Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/315

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coup trente-six mille huit cent quarante-deux francs soixante-quinze centimes ? »

Le vieil usurier fut si accablé par ces réflexions déchirantes, qu’il poussa du fond de sa poitrine deux ou trois grognements douloureux et déclara, les mains levées vers le ciel, que décidément il mourrait sur la paille ! Cependant, après mûre réflexion, en supputant que, dans tous les cas, il lui aurait fallu payer tout entière, ou peu s’en faut, la dette de Ralph, et qu’il n’était pas bien sûr qu’il eût réussi dans son entreprise, à lui tout seul, il reprit son assiette et, pour se consoler, parcourut, en remuant les lèvres, une foule d’items de la nature la plus satisfaisante, jusqu’au moment Peg, en entrant, interrompit cette occupation réjouissante.

« Ah ! Marguerite ! dit Arthur. Qu’est-ce que c’est ? qu’est-ce qu’il y a, Marguerite ?

— C’est la volaille, répliqua Marguerite tenant à la main une assiette sur laquelle se pavanait une petite, toute petite volaille ; un phénomène de volaille microscopique, et si maigre, si décharnée !…

— Voilà une belle pièce ! dit Arthur après s’être au préalable informé du prix, qu’il n’avait pas trouvé exagéré pour le volume de l’animal. Avec une tranche de jambon, un œuf pour faire la sauce, des pommes de terre, des choux verts, un chausson de pommes et un petit morceau de fromage, nous aurons un dîner impérial ; et nous ne serons que deux pour tout cela : elle et moi, et vous aussi, Marguerite, cela va sans dire, après nous.

— N’allez pas, après cela, vous plaindre qu’on dépense trop, toujours, dit Mme Sliderskew en faisant la mine.

— J’ai peur, reprit Arthur en gémissant, que nous ne soyons obligés de vivre un peu somptueusement la première semaine ; mais il faudra nous rattraper après. Je suis bien décidé à ne pas manger plus que mon appétit, et je sais que vous aimez trop votre vieux maître pour manger plus que votre appétit non plus, n’est-ce pas, Marguerite ?

— Que je quoi ? dit Peg.

— Que vous aimez trop votre vieux maître…

— Ah bien, oui ! ne comptez pas là-dessus.

— Ah ! quelle patience ! Au diable la vieille sorcière ! cria M. Gride. Que vous l’aimez trop pour manger plus que votre appétit, aux dépens de sa bourse.

— Aux quoi ?

— Morbleu ! c’est toujours le mot important qu’elle ne veut