Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/326

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la pauvre servante, était défiguré par les larmes et l’insomnie. Personne pour venir les recevoir et saluer leur bienvenue : ils se glissèrent furtivement le long de l’escalier jusqu’au salon d’attente, comme deux filous plutôt que comme un prétendu escorté de son garçon d’honneur.

« Ma foi ! dit Ralph parlant malgré lui à voix basse et d’un ton presque ému, on se croirait plutôt ici à un enterrement qu’à une noce.

— Hé ! hé ! répondit l’autre d’un rire forcé. Êtes-vous… amusant !

— Ce n’est pas sans besoin, répondit Ralph sèchement ; car la chose par elle-même n’a rien de récréatif. Quelle entrée triste et glaciale ! Allons ! gai, gai, monsieur l’amoureux, n’ayez donc pas l’air d’un chien noyé.

— Laissez faire, laissez faire, dit Gride, vous allez voir. Mais… mais… est-ce que vous croyez qu’elle ne va pas venir tout de suite nous recevoir ? hein ?

— Ouais, je suppose qu’elle ne viendra qu’à la dernière extrémité, répliqua Ralph en regardant à sa montre ; et il lui reste encore une bonne demi-heure à nous faire croquer le marmot. Tâchez, d’ici là, de modérer votre ardeur impatiente.

— Je… je… ne suis pas impatient, balbutia Arthur ; je ne voudrais pas la brusquer pour tout au monde. Ah ! mon Dieu ! j’en serais bien fâché. Qu’elle prenne son temps… à son aise. Son temps sera toujours le nôtre. »

Pendant que Ralph appuyait sur son compagnon tremblotant un regard perçant qui lui faisait comprendre qu’il connaissait aussi bien que lui-même la véritable raison de cette grande condescendance et de cette patience magnanime, on entendit des pas dans l’escalier. C’était Bray lui-même qui venait sur la pointe du pied, levant la main avec un geste de mystère, comme s’il y avait là quelque malade dont l’état demandait à n’être point troublé par le bruit de leurs voix.

« Chut ! dit-il tout bas ; elle a été très mal à son aise la nuit dernière. J’ai vu le moment où son cœur allait se briser. En ce moment elle s’habille et pleure amèrement dans sa chambre ; mais elle est mieux ; la voilà calmée… nous ne pouvons lui demander davantage.

— Elle est prête, n’est-ce pas ? dit Ralph.

— Oui, toute prête.

— Et il n’y a pas à craindre qu’elle nous retarde par des faiblesses de petite fille, des pâmoisons ou n’importe quoi ? dit Ralph.