Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/331

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maintenant. Il n’est pas en votre pouvoir de m’effrayer avec de gros mots : je vous mets à pis faire. Je suis ici, comme vous voyez, et j’y resterai jusqu’à ce que j’aie accompli ma mission.

— Vous, petite fille, dit Ralph, retirez-vous. Avec lui nous ne craindrons pas d’employer la force, mais il m’en coûterait de vous faire de la peine, si nous pouvons faire autrement. Ainsi retirez-vous, petite sotte, et laissez là ce drôle pour que nous le traitions comme il mérite.

— Non, je ne me retirerai pas, s’écria Catherine, dont les yeux lançaient des éclairs, et dont la joue s’était enflammée d’une honnête rougeur. Essayez donc de lui faire violence, et vous allez voir comme vous en serez les bons marchands. Ah ! avec moi, à la bonne heure, vous emploieriez la force, je ne suis qu’une fille, vous n’y regardez pas de si près. Mais si je n’ai que la force d’une faible fille, j’ai le cœur d’une femme, et ce n’est pas vous qui viendrez le faire changer de résolution.

— Et quelle est, s’il vous plaît, cette résolution, ma belle dame ? dit Ralph.

— C’est d’offrir dans ce moment suprême, répliqua Nicolas, à l’objet infortuné de votre odieux complot un refuge et un abri. Si la vue du mari que vous n’avez pas honte de lui proposer ne suffit pas pour la décider, j’espère qu’elle ne résistera pas aux prières et aux supplications d’une femme comme elle. En tout cas, nous en essayerons. Moi-même, je vais faire connaître à son père de quelle part je viens et qui je représente, pour qu’il sache bien, s’il consomme ce sacrifice, toute l’horreur, toute la cruauté, toute la bassesse de sa conduite. C’est ici que je vais l’attendre avec sa fille. Voilà pourquoi vous nous voyez ma sœur et moi ; voilà ce que nous sommes venus faire. Et comme nous ne sommes pas venus pour vous voir ou vous parler, nous ne nous abaisserons pas jusqu’à vous dire un mot de plus.

— Voyez-vous ça ! dit Ralph. Et vous, madame, vous persistez à rester là, répondez ? »

Le sein de sa nièce se souleva, gonflé par l’indignation qu’elle éprouvait de son apostrophe railleuse, mais elle ne répondit pas un mot.

« À présent, Gride, faites bien attention, dit Ralph, vous voyez bien ce garnement-là ? je suis honteux de dire que c’est le fils de mon frère ; un réprouvé, un mauvais sujet, souillé de toutes les bassesses et de tous les crimes. Eh bien ! ce garçon-là vient ici aujourd’hui troubler une cérémonie solennelle. Il sait d’avance toutes les conséquences de l’audace qu’il y a à se présenter en un pareil moment dans une maison étrangère, à vouloir y rester de