Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/375

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de son ami. Nuit et jour, en tout temps, à toute heure, vigilant, attentif, empressé à accomplir le devoir qu’il s’était imposé lui-même de veiller sur l’être abandonné de tout autre secours, dont le reste de vie s’écoulait rapidement, comme la dernière poussière du sablier, pour disparaître bientôt tout à fait, il était toujours à ses côtés, sans le quitter un instant. Il l’encourageait, il ranimait ses esprits, il épiait ses désirs et ses besoins pour y satisfaire, il le soutenait, il l’égayait de son mieux, il n’avait plus d’autre occupation sans cesse et toujours.

Ils louèrent un appartement modeste dans une petite ferme entourée de prairies, où Nicolas enfant aimait à s’ébattre avec une troupe de camarades ; c’est là qu’ils fixèrent leur lieu de repos.

Dans les premiers temps, Smike avait encore la force de faire un tour dans le voisinage de la maison, pas bien loin à la fois, sans autre aide, sans autre soutien que le bras de Nicolas. Rien alors ne paraissait lui inspirer autant d’intérêt que la vue des lieux qui avaient été le plus souvent témoins des jeux de son ami, dans son enfance. Pour complaire à son goût, et dans l’espérance que son imagination satisfaite tromperait ainsi les tristes heures de son cher malade, en lui procurant l’occasion d’y penser d’abord et d’en parler après, Nicolas choisissait de préférence ce théâtre de ses premiers jeux pour but de leurs excursions journalières. Il le conduisait d’un lieu à l’autre dans une petite carriole, attelée d’un poney, et lui prêtait l’appui de son bras pour visiter à pas lents ses anciennes promenades, que Smike ne quittait jamais au coucher du soleil sans jeter un long regard d’adieu sur celles qui lui paraissaient les plus calmes et les plus belles.

C’était dans ces occasions que Nicolas, cédant presque à son insu à l’influence de ses anciens souvenirs, lui montrait quelque arbre qu’il avait escaladé vingt fois pour aller voir les petits oiseaux dans leur nid ; la branche d’où il poussait un cri pour attirer l’attention de la petite Catherine qui s’arrêtait effrayée de la hauteur où il s’était élevé, tout en l’excitant, sans le savoir, à monter plus haut encore, par son étonnement même. Ou bien, c’était le vieux manoir devant lequel ils passaient tous les jours, levant les yeux vers la petite fenêtre par laquelle le soleil venait darder ses rayons et l’éveiller par une belle matinée d’été (tout alors était pour lui de belles matinées d’été). Ou bien, il grimpait par-dessus le mur du jardin, d’où il pouvait voir encore le même buisson de roses que Catherine avait reçu en cadeau sentimental de quelque petit amoureux de son âge et qu’elle avait planté de