Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/393

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propre sang ; c’est de voir ses desseins abominables contre une jeune fille, qui avait su intéresser même son misérable clerc, un banqueroutier, un ivrogne, comme vous l’appelez. C’est là ce qui lui a donné le courage de rester encore à votre service, dans l’espérance d’être utile à cette malheureuse, comme il l’avait déjà été à d’autres, dans plus d’une occasion. Sans cela il y a longtemps qu’il se serait donné la consolation de rosser son maître solidement, dût-il aller au diable (Il l’aurait fait comme il le dit, oui). Et notez bien ceci, que, si je suis ici à cette heure, c’est que ces messieurs l’ont exigé. Car, lorsque je suis venu franchement les trouver (je ne fais pas de ligues, moi), je leur ai dit que je voulais les aider à vous démasquer, à vous suivre à la piste, à achever ce que j’avais commencé dans l’intérêt de la justice, et qu’une fois la chose faite, j’irais vous chercher dans votre cabinet pour vous dire vos vérités en face, d’homme à homme, et comme un homme. À présent que j’ai dit ce que j’avais à dire, chacun son tour : et voilà ! »

Après cette belle péroraison, Newman Noggs, qui n’avait pas cessé, pendant toute sa harangue, de s’asseoir, de se lever, de se rasseoir, dans un mouvement perpétuel, avec des gestes et des soubresauts d’une grande variété, et que cet exercice violent, mêlé à son agitation intérieure, avait mis dans un état de fièvre et de transpiration violente, redevint, sans transition, roide, fixe, immobile, dévisageant Ralph Nickleby de toutes ses forces.

Ralph le regarda un instant, rien qu’un instant, puis fit signe de la main qu’il voulait parler, battit du pied sur le parquet et dit d’une voix étouffée :

« Continuez, messieurs, continuez. Je suis patient, comme vous voyez. Heureusement qu’il y a des lois pour se faire rendre justice. Je vous ferai payer tout cela. Faites attention à ce que vous dites : je vous forcerai bien de donner vos preuves.

— Les preuves sont toutes prêtes, reprit le frère Charles. Votre Snawley a fait hier au soir des aveux complets.

— Qu’est-ce que votre Snawley et ses aveux peuvent avoir de commun avec moi ? »

Au lieu de répondre à cette question, posée avec un aplomb imperturbable, le brave gentleman déclara que, pour lui montrer que tout ceci n’était pas un jeu, il était nécessaire de lui faire connaître, non seulement les accusations qui pesaient sur lui, mais les preuves qu’on en avait, et la manière dont on les avait obtenues. Une fois la glace rompue, le frère Ned, Tim Linkinwater et Newman Noggs, tous les trois à la fois, prirent