Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/409

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souvenir : eh bien ! c’est celui dont je vous ai parlé et que vous pourriez voir encore dans la maison de son père. Voilà mon histoire. Je ne demande pas mieux que d’être confronté, face à face, avec le maître de pension, et d’être mis à toutes les épreuves qu’on voudra. On verra que tout cela est bien vrai. Je n’en ai que trop le reproche sur ma conscience.

— Malheureux homme, dirent les frères, quelle réparation de vos torts pouvez-vous faire à présent ?

— Aucune, messieurs, aucune ! Je n’en ai plus à faire, pas plus que d’espérance à concevoir. Je suis vieux par l’âge, et plus vieux encore par la misère et le chagrin. Je n’attends de cet aveu que de nouvelles souffrances et peut-être un nouveau châtiment, mais cela ne m’empêche pas de le faire et d’y persister, quoi qu’il arrive. J’étais destiné sans doute à devenir l’instrument de ces terribles représailles contre un homme qui, dans la poursuite téméraire de ses mauvais desseins, a persécuté, traqué son pauvre enfant jusqu’à le faire mourir à la peine. Je n’échapperai pas plus que lui à la loi, je le sais, je viens trop tard pour rien réparer, et, pas plus dans ce monde que dans l’autre, je ne puis trouver maintenant d’espérance… »

Il avait à peine fini de parler, que la lampe placée sur la table tout près de Ralph, la seule qui éclairât la chambre, fut renversée par terre et les laissa dans l’obscurité. Pendant le court intervalle de temps qui se passa pour demander et apporter une autre lumière, Nickleby avait disparu.

Les bons frères et Tim Linkinwater restèrent quelque temps à discuter pour savoir s’il n’allait pas revenir, et, quand il fut évident qu’il était parti tout de bon, ils hésitèrent s’ils l’enverraient encore chercher oui ou non. Enfin, se rappelant sa mine étrange et son silence obstiné, pendant qu’il était assis là immobile, tout le temps de cet entretien, ils supposèrent qu’il pouvait bien être malade et se déterminèrent, malgré l’heure avancée, à envoyer chez lui, sous quelque prétexte, savoir de ses nouvelles. La présence de Brooker, dont ils ne savaient que faire, sans consulter auparavant les dispositions de M. Nickleby à son égard, leur parut un prétexte honnête, et ils résolurent de lui dépêcher un message avant de se mettre au lit.