Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/43

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avec sa simplicité familière, les détails qu’il avait recueillis de la bouche de Nicolas. Après cela la conversation fut longue, et quand elle fut terminée, il y eut une conférence secrète qui ne fut guère plus courte entre frère Ned et Tim Linkinwater dans une autre chambre. Nous devons dire, à l’honneur de Nicolas, qu’il n’avait pas passé dix minutes avec les deux frères, qu’attendri par l’expression nouvelle et répétée de leurs bontés et de leur sympathie, il lui était impossible d’y répondre autrement que par des gestes de remerciements, tant il sanglotait comme un enfant.

Si bien donc que le frère Ned et Tim Linkinwater revinrent ensemble, et Timothée à l’instant s’approcha de Nicolas et lui dit en deux mots à l’oreille (Tim n’était pas un grand bavard) qu’il avait pris son adresse dans le Strand, et qu’il passerait chez lui le soir même, à huit heures ; après quoi Timothée essuya ses lunettes, et les remit devant ses yeux pour mieux se préparer à entendre ce que les frères Cheeryble pourraient avoir encore à lui dire.

« Timothée, dit le frère Charles, vous savez que nous avons l’intention de placer ce jeune homme au comptoir. »

Le frère Ned répondit que Timothée en était prévenu, et qu’il approuvait leur résolution.

Timothée fit un signe de tête affirmatif et se redressa de manière à paraître plus gras encore et plus important que d’habitude. Il y eut ensuite un profond silence, que Timothée rompit tout à coup de l’air le plus résolu.

« Oui ; mais je ne veux pas venir, vous savez, une heure plus tard au bureau, je ne veux pas aller coucher et prendre l’air à la campagne. Non, non, ne parlons pas de campagne, ce serait joli par le temps qui court ! oui, ma foi ! Ah bien !

— Diantre d’obstiné ! dit frère Charles en le regardant sans la moindre étincelle de colère, ou plutôt avec une physionomie toute rayonnante de son attachement pour le vieux commis ; diantre d’obstiné ! Que voulez-vous dire, monsieur ?

— Je veux dire, répondit Timothée, que voici quarante-quatre ans, et pour faire ce calcul il avait la plume en main, dont il traçait dans l’air une addition imaginaire avant d’en avoir fait le total ; quarante-quatre ans au mois de mai prochain que je tiens les livres de Cheeryble frères. Tous les matins, excepté les dimanches, à neuf heures sonnantes, j’ai été là pour ouvrir la caisse ; tous les soirs, à dix heures et demie, excepté les jours du courrier étranger (parce que ces jours-là je ne pouvais pas partir avant onze heures quarante minutes), j’ai fait le tour de la mai-