Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/431

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voudriez-vous vous charger de dire à madame ce dont nous sommes convenus ? Monsieur Nickleby, voulez-vous avoir la complaisance de venir avec moi ? »

Sans autre explication, il laissa ensemble Mme Nickleby, miss la Creevy et son frère Ned. Nicolas suivit M. Charles dans son cabinet particulier, où il fut tout étonné de trouver Frank, qu’il croyait bien loin.

« Allons ! jeunes gens, dit M. Cheeryble, qu’on se donne une poignée de main.

— Ma foi ! dit Nicolas tendant la sienne, je ne me ferai pas prier pour ça.

— Ni moi, » répliqua Frank en la serrant fortement.

Le vieux gentleman, en les regardant avec délices, se disait qu’il était impossible de voir à côté l’un de l’autre deux jeunes gens mieux faits ni mieux tournés. Il fut quelque temps avant de détacher ses yeux de ce spectacle, puis, rompant le silence, il leur dit, en allant s’asseoir à son bureau :

« Je désire vous voir toujours amis, de bons et solides amis, et, sans cette assurance, je ne sais pas si j’aurais le courage de vous dire ce que je vais vous dire. Frank, venez près de moi, et vous, M. Nickleby, voulez-vous vous placer de l’autre côté ? »

Les deux jeunes gens s’avancèrent l’un à la droite, l’autre à la gauche du frère Charles, qui tira de son secrétaire un papier et le déplia en disant :

« Voici une copie du testament du grand-père maternel de Madeleine, par lequel il lui lègue la somme de trois cent mille francs, payables à l’époque de sa majorité ou de son mariage. Il paraît que ce brave homme, fâché contre elle (son unique parente) de ce qu’elle n’avait pas voulu, malgré ses instances répétées, venir se mettre sous sa protection, à la condition de se séparer de son père, fit d’abord un testament pour assurer cette somme, c’est-à-dire tout son bien, à un établissement charitable. Mais apparemment qu’il se repentit plus tard de cette détermination, car, trois semaines après, il se décida à faire celui-ci, qui fut soustrait frauduleusement à l’époque de sa mort, pendant que l’autre, trouvé seul dans sa succession, fut enregistré et exécuté. Des négociations amiables, qui ne viennent que de se terminer, ont été entamées, depuis que ce titre a passé dans nos mains, et, comme l’authenticité en est incontestable, et qu’on a fini par trouver des témoins, l’argent est restitué ; en conséquence, Madeleine est rentrée dans ses droits, et se trouve ou se trouvera, à l’époque désignée de son