Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/441

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sonne non plus au comptoir, dans le petit nombre de boutiques qu’ils pouvaient voir. Enfin, attiré par la faible lueur d’une chandelle qui se réfléchissait au fond d’une espèce de cave sur le trottoir, Nicolas allait descendre deux ou trois marches pour aller présenter sa requête aux gens du souterrain, quand il fut arrêté par la voix criarde d’une femme en colère.

« Venez donc, lui dit Catherine, c’est une querelle ; vous n’aurez que des coups à gagner par là.

— Attendez un instant, Catherine, lui répondit son frère ; voyons s’il n’y aurait pas quelque chose : chut ! »

— Grand fainéant, vilain propre à rien, maudit animal ! criait la dame en frappant du pied, voulez-vous tourner ce cylindre pour la lessive ?

— C’est ce que je fais, âme de ma vie ! répliqua une voix d’homme ; je ne fais pas autre chose ; je tourne, tourne, tourne comme un damné de vieux cheval de manège dans un chien de moulin. Ma vie n’est qu’un diable de satané tour de meule perpétuel.

— Si cela ne vous plaît pas, pourquoi n’allez-vous pas vous enrôler comme soldat ? continua la femme, personne ne vous en empêche.

— Soldat ! cria le monsieur, soldat ! que dirait sa délicieuse petite femme de le voir en veste rouge à courte queue ? de l’entendre appeler à la parade à grands coups de tambour ? Elle serait bien fâchée de lui voir faire l’exercice à feu avec un vrai fusil, les cheveux coupés, les favoris rasés, les yeux fixes, immobiles ; droite, gauche, avec un pantalon astiqué de blanc d’Espagne.

— Cher Nicolas, lui dit tout bas Catherine, reconnaissez-vous cela ? C’est M. Mantalini, je vous assure.

— Voyez un peu si c’est vrai, jetez un coup d’œil par là, pendant que je vais lui demander mon chemin. Tenez ! descendez une ou deux marches. »

Nicolas l’entraîne sur ses pas, descend l’escalier et regarde au fond d’une petite crypte planchéiée. Là, au milieu d’un amas de linge et de paniers de blanchisseuse, lui apparaît un homme en manches retroussées, mais avec un reste de vieux pantalon rapiécé de la bonne faiseuse, un gilet de couleurs brillantes, ses moustaches et ses favoris d’autrefois, moins leur lustre emprunté, cherchant à apaiser la colère d’une égrillarde de femme qui n’était pas sa légitime épouse, mais la propriétaire de l’établissement, occupé à tourner en même temps de toutes ses forces le cylindre dont les craquements et le sifflement aigu fai-