Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/448

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— Vivat ! répéta John. À la bonne heure ! criez vivat comme des hommes. Tenez, regardez-moi bien ; hip, hip, hip, vivat !

— Vivat ! répondit le chœur.

— Allons ! encore un vivat ! dit John ; mais plus fort encore. »

Les pensionnaires obéirent.

« Tor ! dit John. N’ayez pas peur ; jusqu’à ce que nous en ayons poussé un bon.

— Vivat !

— À présent, dit John, nous n’en ferons plus qu’un pour le bouquet, et puis vous détalerez aussi vite que vous voudrez. Prenez bien votre respiration. Squeers est à la geôle. La pension est licenciée, n, i, ni, c’est fini. Pensez bien à ça, et mettez bien tout votre cœur dans celui-là ; c’est le dernier. Vivat ! »

Alors il s’éleva un tel concert d’allégresse, que les murs de Dotheboys-Hall n’en avaient jamais entendu, et ne devaient plus jamais en entendre de pareil. Quand le dernier son expira, l’école était déserte, et, de tout ce peuple tapageur qui l’animait cinq minutes avant, il n’en restait plus un seul.

« Très bien, monsieur Browdie, très bien, dit Mlle Squeers encore toute rouge et tout enflammée des suites de la bagarre, mais surtout courroucée comme une mégère. Vous êtes venu exciter nos pensionnaires à se sauver, vous nous le payerez bien. Si papa est dans le malheur, s’il est accablé par ses hennemis, n’allez pas croire que nous nous laisserons pour cela insulter et fouler aux pieds par vous et par Tilda.

— No-on ! répliqua John brusquement. Ce n’est pas non plus notre intention, sur ma parole. Ayez meilleure opinion de nous, Fanny. Je suis bien aise d’avoir réussi à tirer de leurs mains la vieille. Oui, parbleu ! J’en suis bien aise. Mais pour vous insulter, non. Vous êtes assez malheureuse sans cela, et d’ailleurs je ne suis pas homme à insulter personne. Tilly n’est pas non plus de caractère à ça : je vous le dis tout net. Bien mieux, que je vous dise encore. S’il vous faut l’aide de quelque ami pour vous sortir d’ici (vous n’avez pas besoin de retrousser votre nez, Fanny, c’est comme ça), vous nous retrouverez, moi et Tilly, sans rancune du passé, et tout prêts à vous donner un coup de main. Mais, parce que je vous dis ça, ne vous figurez pas que je sois honteux de ce que j’ai fait, car, au contraire, voyez-vous, je le répète encore, vivat ! et que le diable emporte le maître d’école, là ! »

Après ces adieux, John Browdie sortit à grands pas, remonta sur sa bête, se remit au galop, en fredonnant gaiement quelques refrains d’une vieille chanson, dont les sabots de son