Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour lui donner à entendre en confidence que tout ce que l’on avait dit de la demoiselle extrêmement jolie était vrai, et qu’elle valait au moins le portrait qu’on en avait fait. Elle valait même mieux ; seulement, elle était trop pressée de changer de position, et c’est ce qui avait fait que, pendant que Timothée lui faisait la cour et hésitait à renoncer au célibat, la belle en avait pris un autre. « Après tout, je puis bien dire que c’est ma faute, ajouta Timothée. Je vous montrerai quelque jour dans ma chambre en haut une gravure qui m’a coûté trente francs. Je l’ai achetée quelque temps après notre brouille. Vous n’en parlerez à personne. Mais jamais vous n’avez vu pareille ressemblance ; on dirait son portrait, monsieur. »

Avec tout cela, il était plus de onze heures, et la sœur de Tim Linkinwater, maintenant habillée pour le départ, ayant déclaré qu’il y avait une grande heure qu’elle devrait être rendue chez elle, on envoya chercher une voiture dans laquelle elle fut mise en grande cérémonie par les soins du frère Ned, pendant que le frère Charles donnait avec précision l’adresse et des instructions particulières au cocher. Heureux cocher ! avec le schelling qu’on lui paya d’avance en sus du tarif, pour reconnaître le soin qu’il devait prendre de la dame, il eut encore la chance de se voir étranglé, ou peut s’en faut, par un verre de spiritueux qu’on lui versa : liquide généreux, d’une force si peu commune, que, sous prétexte de lui donner du ton, il lui ôta presque un moment la respiration.

Enfin voilà la voiture qui roule et la sœur de Tim Linkinwater en route pour retourner commodément chez elle. Nicolas et l’ami de Tim Linkinwater, à leur tour, prennent congé de la société, et laissent le vieux Timothée aller se coucher ainsi que les excellents frères.

Nicolas avait du chemin à faire pour retourner chez lui : aussi n’y fut-il pas avant minuit passé. En arrivant, il y trouva Smike et sa mère, qui avaient voulu attendre son retour. Il n’était pas dans leurs habitudes de veiller si tard. Ils avaient espéré le revoir au moins deux heures plus tôt. Cependant Smike ne s’était pas ennuyé, car Mme Nickleby lui avait déroulé l’arbre généalogique de sa famille du côté maternel, y compris l’esquisse biographique de ses principaux rejetons ; et Smike, de son côté, était resté la bouche ouverte d’étonnement, sans savoir ce que tout cela voulait dire, et se demandant si c’était appris par cœur dans un livre, ou si Mme Nickleby trouvait tout cela dans sa tête, si bien donc qu’ils avaient passé ensemble une bonne petite soirée.