Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/88

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mier coup avec mon parapluie, aussi juste et aussi ferme que si je l’avais accroché avec un grappin. Ha ! ha !

— Et moi, dites donc, papa, ne l’ai-je pas gentiment empoigné par la jambe ? dit le petit Wackford.

— C’est vrai, mon garçon, vous vous êtes bien conduit, dit M. Squeers lui donnant des petites tapes d’amitié sur la tête ; aussi je vous donnerai pour la peine la plus jolie veste à la hussarde et le plus beau gilet qu’apporteront les premiers pensionnaires, entendez-vous bien ? Continuez comme vous avez commencé ; faites tout ce que vous voyez faire à votre père, et, quand vous mourrez, vous irez tout de go au paradis sans qu’on vous arrête à vous faire des questions à la porte. »

Après cette promesse encourageante, M. Squeers se remit à taper tout doucement la tête de son fils et à taper plus fort celle de Smike, en lui demandant d’un ton gouailleur comment il se trouvait de ce régime-là.

« Laissez-moi retourner à la maison, répliqua Smike se retournant furieux.

— Pour cela, vous pouvez en être sûr, que vous allez y retourner. Ne vous inquiétez pas, vous y retournerez, à la maison, je vous en réponds, et bientôt. Vous allez vous retrouver au paisible village de Dotheboys, en Yorkshire, avant huit jours, mon jeune ami, et, si jamais vous en sortez, je vous donne la permission de n’y plus revenir. Où sont les habits avec lesquels vous vous êtes sauvé, ingrat voleur que vous êtes ? » dit M. Squeers d’une voix sévère.

Smike jeta les yeux sur l’habillement propre et décent qu’il devait aux soins de Nicolas, et se tordit les mains de désespoir.

« Savez-vous qu’une fois hors de Old-Bailey j’aurai le droit de vous pendre, pour vous être enfui avec des effets qui m’appartiennent, dit Squeers ; savez-vous que c’est un cas de potence, je ne sais même pas si ce n’est pas un cas d’anatomie, de s’esquiver d’une maison habitée avec une valeur de cent vingt-cinq francs. Hein ! savez-vous ça ? À combien estimez-vous les habits que vous m’avez emportés ? Savez-vous que cette botte à la Wellington que vous aviez à un pied coûtait trente-cinq francs la paire, quand il y en avait deux, et que le soulier que vous aviez à l’autre pied valait neuf francs trente-cinq ? Mais vous êtes bien heureux, en retombant entre mes mains, d’être venu tout droit au grand bazar de la miséricorde. Remerciez votre étoile de m’avoir choisi tout exprès pour vous servir cet article, je vous en donnerai comme il faut. »