Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/336

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une grande incertitude jusqu’au moment où les femmes qui venaient d’être condamnées quittèrent la salle en faisant leurs grands airs. Elles furent aussitôt remplacées par un autre prévenu, qu’il reconnut du premier coup pour être l’objet de sa visite.

C’était, en effet, Dawkins qui venait de faire tranquillement son entrée dans la salle, ses manches d’habit retroussées comme à l’ordinaire, sa main gauche dans son gousset et son chapeau à la main droite. Il marchait devant le geôlier avec une tournure impayable. Lorsqu’il eut pris place au banc des prévenus, il demanda à haute et intelligible voix pourquoi on s’était permis de le placer dans cette situation humiliante.

« Voulez-vous vous taire ? dit le geôlier.

— Je suis citoyen anglais, n’est-ce pas ? répondit le Matois. Où sont mes privilèges ?

— N’ayez pas peur, vous les aurez bientôt, vos privilèges, et bien assaisonnés encore.

— Nous verrons un peu ce que le ministre de l’intérieur répondra à Cadet Bonbec si ça ne me les rend pas, mes privilèges. Eh bien ! voyons, de quoi qu’y s’agit ? Je vous serais bien obligé, messieurs les juges, de dépêcher cette petite affaire et de ne pas me tenir comme ça le bec dans l’eau, à lire votre journal. J’ai un rendez-vous avec un monsieur dans la Cité, et comme je suis homme de parole et très exact quand il s’agit d’affaire, il s’en ira, c’est sûr, si je ne suis pas arrivé à l’heure ; et puis je ne vous demanderai pas des dommages et intérêts pour le tort que vous m’aurez fait ; non, c’est le chat ! »

En ce moment, le Matois demanda le nom des deux vieux grigous assis sur le banc, là-bas. Ces paroles firent rire l’auditoire d’aussi bon cœur qu’aurait pu le faire maître Bates, s’il avait entendu la question.

« Silence donc, là ! cria le geôlier.

— De quoi s’agit-il ? demanda l’un des juges.

— D’un vol, monsieur le président.

— Ce garçon a-t-il déjà comparu devant le tribunal ?

— Il aurait dû comparaître bien des fois, reprit le geôlier. On l’a vu dans bien d’autres endroits, si on ne l’a pas vu ici. Pour moi, je le connais bien, allez, monsieur le président.

— Ah ! vous me connaissez, vous ? s’écria le Matois prenant