Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/131

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tous les hommes sont faits pour recevoir des ordres. Comme si ce n’était pas assez assommant, il me dit ce matin avec son petit ton engageant : « Nous partons ce soir, mon garçon. — Vous partez, monsieur ? que je lui dis. Peut-être désirez-vous qu’on fasse votre note, monsieur ? — Oh ! non, mon garçon, qu’il me dit ; ne vous en occupez pas. Je donnerai à Pecksniff des ordres pour régler ça. » À quoi le Dragon répond : « Merci, monsieur, c’est trop de bonté, c’est trop d’honneur que vous nous faites ; mais, comme nous n’avons pas de renseignements avantageux sur vous, et que vous voyagez sans bagages, et comme aussi M. Pecksniff n’est pas chez lui (vous ignoriez peut-être cette circonstance), nous préférons quelque chose de plus solide. » Et voilà où en est l’affaire. Et je demande, ajouta M. Tapley en montrant, pour conclure, M. Tigg du bout de son chapeau, je demande à tous messieurs et dames, pourvus d’un tant soit peu de bon sens, de me dire s’il ont, oui ou non, jamais vu un garnement d’aussi mauvaise mine ! »

Martin voulut, à son tour, intervenir entre ce discours candide et sans artifice, et les anathèmes flétrissants que M. Tigg s’apprêtait à lancer en réponse.

« Veuillez m’apprendre, dit-il, à combien se monte la dette.

— Comme argent, monsieur, c’est peu de chose, répondit Mark, trois guinées seulement ; mais il n’y a pas que ça ; c’est l’ins…

— Oui, oui, interrompit Martin. Vous nous l’avez dit déjà. Pinch, un mot.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Tom, se retirant avec lui dans un coin de la chambre.

— Tout simplement ceci : j’ai honte de le dire, M. Slyme est un de mes parents, sur le compte duquel il ne m’est jamais revenu rien de bon, je n’ai pas besoin qu’il reste dans mon voisinage, et je crois que trois ou quatre guinées ne seraient pas de trop pour s’en débarrasser. Vous n’avez pas assez d’argent pour payer ce mémoire, je suppose ? »

Tom secoua la tête de manière à ne pas laisser douter de sa complète sincérité.

« C’est malheureux, car je suis pauvre aussi ; et, dans le cas où vous eussiez eu cette somme, je vous l’eusse empruntée. Mais si nous informions l’hôtesse que nous nous chargeons de la payer, je présume que cela reviendrait au même.