Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/274

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faire est faite. À présent, racontez, monsieur, si vous voulez. Je suis tout oreilles. »

S’adossant à son fauteuil, et les yeux fixés sur le feu, ce qui ne l’empêchait pas de regarder de temps en temps Mark, qui, dans ces mêmes moments, avait soin de hocher la tête pour témoigner de son vif intérêt et de sa profonde attention, Martin fit connaître les principaux points de son histoire, ainsi qu’ils les avait racontés à M. Pinch, quelques semaines auparavant. Seulement, il jugea à propos de les adapter à l’intelligence de M. Tapley : à ce point de vue, il glissa sur son affaire d’amour, et se borna à la mentionner en quelques mots. Ici, cependant, il avait compté sans son hôte : car cette partie du récit intéressa au plus haut degré Mark Tapley, qui ne put s’empêcher de lui adresser plusieurs questions à ce sujet. Ce qui le justifiait jusqu’à un certain point de pendre cette liberté, c’est qu’il avait vu au Dragon bleu la jeune personne, d’après ce que lui dit Martin lui-même.

« Et je réponds qu’il n’existe pas une seule demoiselle dont l’amour pût faire plus d’honneur à un gentleman, dit Mark avec énergie.

— Oui ! dit Martin, ramenant son regard vers le feu ; et encore, vous l’avez vue quand elle était malheureuse. Si vous l’aviez connue au temps passé…

— Assurément, monsieur, elle était un peu abattue et plus pâle que je ne l’aurais souhaité, mais elle n’en était pas plus mal pour ça. Je l’ai trouvée mieux encore après son retour à Londres. »

Martin détourna ses yeux du feu, se mit à regarder fixement Tapley comme s’il pensait qu’il venait de lui prendre une attaque de folie, et lui demanda ce qu’il voulait dire.

« Excusez-moi, monsieur, répondit Mark. Je n’ai pas voulu dire qu’elle fût plus heureuse, mais que je l’avais trouvée encore plus jolie.

— Enfin, est-ce que vous entendez dire par là qu’elle soit venue à Londres ? s’écria Martin en se levant avec impétuosité, et repoussant en arrière son fauteuil.

— Sans doute, répondit Mark, qui se leva tout stupéfait du lit sur lequel il était resté assis.

— Voulez-vous me dire qu’elle est actuellement à Londres ?

— Très-probablement elle y est, monsieur. J’ai voulu dire qu’elle y était la semaine dernière.

— Et vous savez où elle demeure ?