Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/282

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dans l’église du village où nous étions ; il vous a vue écoutant sa musique, et qui plus est, c’est vous qui l’inspiriez sans le savoir.

— Quoi ! c’était lui qui tenait l’orgue ? s’écria Mary. Je le remercie de tout mon cœur.

— C’était lui, dit Martin, et toujours gratis, bien entendu. Jamais il n’y eut garçon si naïf, un vrai enfant, mais un enfant excellent.

— J’en suis certaine, dit Mary avec chaleur ; cela doit être.

— Oh ! oui, sans nul doute, reprit Martin avec son air d’insouciance habituelle. Si bien donc que j’ai eu l’idée… Mais attendez ; si je vous lisais la lettre que je lui ai écrite et que j’ai l’intention de lui envoyer par la poste ce soir, ce serait plutôt fait. « Mon cher Tom Pinch… » C’est peut-être un peu amical, dit Martin, se rappelant tout à coup qu’il l’avait pris de plus haut avec Tom, lors de leur dernière rencontre ; mais je l’appelle mon cher Tom Pinch, parce qu’il aime cette formule et qu’il en sera flatté.

— Très-bien, dit Mary, c’est très-aimable à vous.

— Justement, c’est cela ! s’écria Martin. Il est bon de témoigner aux gens de l’affection quand on le peut ; et, comme je viens de vous le dire, c’est réellement un excellent garçon. « – Mon cher Tom Pinch, je vous adresse cette lettre sous le couvert de mistress Lupin, au Dragon bleu. Je l’ai priée en deux mots de vous la remettre sans en parler à qui que ce soit, et de faire de même pour toutes les lettres qu’elle pourrait, à l’avenir, recevoir de moi. Vous comprendrez tout de suite le motif que j’ai d’agir ainsi. – » Je ne sais pas trop, par parenthèse ce qu’il en sera, dit Martin s’interrompant ; car le pauvre garçon n’a pas l’intelligence très-vive ; mais il finira par comprendre. Mon simple motif, c’est que je ne me soucie pas que mes lettres soient lues par d’autres, et notamment par le gredin qu’il considère comme un ange.

— Encore M. Pecksniff ? demanda Mary.

— Toujours, » dit Martin.

Il reprit sa lecture :

« Vous comprendrez aisément le motif que j’ai d’agir ainsi. J’ai terminé mes préparatifs pour mon voyage en Amérique, et vous serez étonné d’apprendre que j’aurai pour compagnon de route Mark Tapley, de qui j’ai fait l’étrange rencontre à Londres et qui insiste pour se mettre sous ma protection. »