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ticles funéraires. Cependant, quoique les deux demoiselles Mould eussent pour ainsi dire été élevées sous ses yeux, l’état de leur père n’avait pas jeté la plus légère ombre sur leur timide enfance ou leur adolescence florissante. Depuis le berceau, elles avaient joué sans le moindre souci en face du spectacle de la mort et des tombeaux. Le deuil qu’on porte aux chapeaux se résumait pour elles en une certaine quantité de mètres de soie ou de crêpe, le vêtement suprême en une certaine mesure de toile. Les demoiselles Mould pouvaient bien n’être pas fortes sur un costume de théâtre, le jupon d’une dame de la cour ou même un acte du parlement ; mais il n’y avait pas à leur en remontrer pour des poêles funèbres, et même elles en confectionnaient quelquefois.

Le tumulte étourdissant des grandes rues ne convenant pas à l’établissement de M. Mould, il s’était fait un bon petit nid dans un coin tranquille où le bruit de la ville n’arrivait plus que comme un bourdonnement assoupissant qui tantôt s’élevait, tantôt retombait et tantôt enfin cessait entièrement, comme un jour de chômage dans les travaux de Cheapside. La lumière du jour étincelait à travers les haricots d’Espagne, comme si le cimetière clignait de l’œil à M. Mould et lui disait : « Nous nous entendons tous les deux ; » et du fond lointain de la boutique montait l’agréable écho des marteaux qui clouaient un cercueil : ra, ta, ta, ta, ta ! pour favoriser la sieste et la digestion.

« Un vrai bourdonnement d’insectes, dit M. Mould, fermant les yeux avec un sentiment complet de bien-être. Rien ne représente mieux à l’esprit le bruit animé de la nature dans les districts agricoles. C’est exactement comme le coup de bec du pivert.

— Oui, le pivert frappant du bec l’orme creux, dit mistress Mould, adaptant les termes de la ballade populaire à la dénomination du bois employé communément dans son commerce.

— Ah ! ah ! ah ! dit en riant M. Mould. Pas mal, ma chère, pas mal. Répétez-nous cela, mistress Mould, vous nous ferez plaisir. L’orme creux, hein ?… Ah ! ah ! ah ! parfait !… J’ai lu beaucoup moins bien que cela dans les journaux du dimanche, mon amour. »

Mistress Mould, encouragée par son mari, dégusta une certaine quantité de punch, et en offrit à ses filles, qui suivirent respectueusement l’exemple de leur mère.

« L’orme creux, hé ? dit M. Mould, qui imprima à ses jam-