Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/474

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En pénétrant dans la cour elle s’arrêta ; car le maître, la maîtresse de la maison et la principale domestique, étaient réunis sur le seuil et causaient vivement avec un jeune gentleman qui avait l’air d’arriver ou de partir. Les premiers mots qui frappèrent les oreilles de mistress Gamp se rapportaient clairement au malade ; et, comme il convient qu’une bonne garde obtienne autant de renseignements que possible sur le cas pour lequel son habileté est invoquée, mistress Gamp se fit un devoir d’écouter.

« Ainsi il ne va pas mieux ? demanda le gentleman.

— Il va plus mal, dit le maître de la maison.

— Beaucoup plus mal, ajouta la dame.

— Oh ! infiniment plus mal, s’écria par derrière la domestique en ouvrant de grands yeux et secouant la tête.

— Pauvre garçon ! dit le gentleman. Que je suis donc désolé d’apprendre cela !… Ce qu’il y a de pis, c’est que je ne me doute seulement pas des amis ou des parents qu’il peut avoir ; je ne sais pas davantage où ils peuvent être ; tout ce que j’en sais, c’est que ce n’est certainement pas à Londres. »

L’hôte regarda l’hôtesse ; l’hôtesse regarda l’hôte ; et la domestique fit remarquer d’un ton ému que, de toutes les adresses vagues qu’elle avait jamais lues ou entendu citer (et dans un hôtel cela n’est pas rare) celle-ci était sans contredit tout ce qu’il y avait de plus vague.

« Le fait est, continua le gentleman, comme je vous l’ai dit hier quand vous avez envoyé chez moi, que je ne le connais que très-peu. Nous avons été compagnons d’études ; mais depuis ce temps je ne l’ai rencontré que deux fois. Dans ces deux occasions, je me trouvais en vacances à Londres, où j’étais venu du Wiltshire passer une semaine, et depuis ce temps-là je l’avais perdu de vue. La lettre portant mon nom et mon adresse que vous avez trouvée sur sa table et qui vous a inspiré l’idée de recourir à moi, était tout simplement une réponse à une autre lettre qu’il me fit parvenir de cette maison, le jour même où il tomba malade, et c’était sur sa demande que je lui indiquais un rendez-vous. Voici sa lettre, si vous désirez en prendre communication. »

L’hôte lut la lettre ; l’hôtesse la lut aussi par-dessus son épaule ; la domestique, qui était derrière, en attrapa ce qu’elle put et suppléa au reste par son imagination, se faisant du tout ensemble un document authentique.

« Et vous dites qu’il n’a pas grand bagage ? dit le gentle-