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BON

845, prétend qu’au XIIIe siècle, & même plus de deux cens ans auparavant, l’usage étoit en Bretagne parmi les Ecclésiastiques, sur-tout parmi les Chanoines, de porter de certains chapeaux, qui étoient comme des bonnets, & que c’est de-là que sont venus les bonnets carrés des Ecclésiastiques, qui, ajoute-t-il, tout de même que les mitres, ont crû peu-à-peu jusqu’à l’énorme figure qu’on leur donne à présent.

Les bonnets étoient en usage dans le Clergé dès le neuvième siècle. Ce n’étoit d’abord qu’un petit bonnet en forme de calotte, que l’on portoit sur le capuchon de la chappe, ou autre habillement de tête. On les fit ensuite plus larges en haut qu’en bas. La coutume vint après de les faire encore plus amples, mais ronds & plats, presqu’en la manière de ceux que portent aujourd’hui les Novices des Jésuites, & qu’ils appellent birettes. On leur donna, il y a près de 300 ans, la figure carrée, & ils étoient tissus de laine, & avoient quatre espèces de cornes, qui paroissoient néanmoins fort peu au-dessus. Ceux qui sont de carte couverte d’étoffe, & tous carrés, comme on les porte aujourd’hui, sont d’une invention assez moderne. P. Hélyot, T. III, p. 25.

Bonnet, est quelquefois une marque d’infamie. Le bonnet jaune est la marque des Juifs en Italie : à Luques ils le portent orangé. Le bonnet vert étoit la marque de ceux qui avoient fait cession.

Et que d’un bonnet vert le salutaire affront
Flétrisse les lauriers qui lui couvrent le front.

Boileau.

Autrefois ceux qui avoient fait cession de leurs biens, étoient obligés de porter un bonnet vert, pour être connus de tout le monde, afin qu’on ne pût être trompé dans le commerce que l’on avoit avec eux. Il y a un Arrêt du Parlement de Rouen, du 15 Mars 1584, & un du Parlement de Paris, du 26 Juin 1682, par lesquels il est jugé que ceux qui seront reçus au bénéfice de cession, après avoir justifié la perte de leurs biens dans fraude, seroient tenus de porter le bonnet vert, & que s’ils étoient trouvés ne l’ayant pas, ils seroient déboutés du bénéfice de cession, permis à leurs créanciers de les emprisonner, en leur fournissant un bonnet par an à leurs dépens. Par Arrêt du 10 Mai 1622 un Gentilhomme qui a fait cession de biens, doit porter le bonnet vert. Par un Arrêt du 1 Décembre 1628, un cessionnaire de biens fut condamné à porter le bonnet vert continuellement, sans distinction de jours de fêtes, mais aujourd’hui cela n’est pas exécuté. Bruneau.

☞ Il y a pourtant encore des endroits dans le Royaume, à Bordeaux par exemple, où suivant l’ancien usage, un cessionnaire est obligé de porter le bonnet vert sur la tête en tout temps. Dans presque tous les autres endroits, suivant l’usage qui s’est introduit, il suffit qu’ils le portent sur eux, en sorte qu’ils puissent le montrer & le mettre sur leur tête, en cas qu’ils en soient requis par quelqu’un de leurs créanciers. Ferr.

Cet usage du bonnet vert n’a été introduit en France par aucunes Ordonnances, mais par les Arrêts des Cours Supérieures. Ragueau.

Etienne Guichard dit que de βουνὸς, colline, bonnet a été formé en françois, pileus nocturnus ; comme aussi, continue-t-il, turban a été dit à turbinis figurâ, & plusieurs semblables mots, qui retiennent le nom de leur figure.

On dit figurément, qu’une question passe du bonnet, qu’on opine du bonnet, lorsque tout le monde est de même avis, ou qu’on opine sans raisonner, & selon le sentiment de ceux qui ont déjà opiné.

Bonnet, se dit généralement dans les Arts, de ce qui couvre la partie supérieure & sphérique d’un instrument, d’une machine.

Bonnet de Turquie. Terme de Pâtissier. On donne ce nom à une pièce de pâtisserie qui a la figure d’un turban.

Bonnet à la Polonoise. C’est un bonnet fort long, & presque de même largeur depuis l’ouverture jusqu’au bout : ce bout est émoussé & tant soit peu courbé. Quelques Bontanistes se servent de ce terme pour exprimer la figure de la partie supérieure de la fleur de l’aconit appelé Tue-loup.

Bonnet à Prêtre, en terme de guerre, est un dehors ou piece détachée qui a deux angles rentrans, & trois saillans, qui est presque comme une double tenaille ; si ce n’est que ces côtés sont en queue d’aronde, au lieu d’être parallèles, & occupent moins de terrain en dedans, c’est-à-dire, vers la gorge, qu’ils n’en occupent du côté de la campagne.

Bonnet de Prêtre, se dit en Botanique d’une plante qui porte un petit fruit rouge, carré, & en forme de bonnet de Prêtre. On l’appelle autrement fusain. Voyez ce mot.

Bonnet de Neptune. Terme d’Histoire Naturelle. Espèce de champignon de mer. Neptuni pileus. Ce champignon a cinq pouces & demi de hauteur, sur spt pouces de large à sa base, qui s’éleve insensiblement, & s’arrondit enfin en manière de calotte ou de dôme feuilleté en dehors par bouquets, dont les lames sont coupées en crête de coq, & qui représente en quelque manière une tête naissante & moutonnée. Sa structure intérieure est différente : il est cannelé légérement, & parsemé de petits grains, & de quelques pointes obtuses, dont la plus longue n’a pas plus d’une igne de long. Tournefort, Acad. 1700, Mém. pag. 31. On trouve quelques bonnets de Neptune, mais rarement, qui ont un petit pédicule qui les soutient. Ce pédicule est fort cassant ; cependant il est à croire que dans leur naissance ils étoient attachés au fond de la mer par quelque chose de semblable, & suivant toutes les apparences, lorsquils n’ont plus de pédicules, ils se nourrissent par le secours de quelque suc que l’eau de la mer où ils trempent, laisse insinuer dans leurs pores. Id. p. 32.

Bonnet, est aussi le nom du second ventricule du bœuf, & des autres animaux qui ruminent, qu’on appelle autrement réseau. Reticulum. C’est où les aliments tombent quand ils ont ruminé, pour y faire une seconde digestion, & de-là passer dans le troisième ventricule ; qu’on appelle le millet. Il a été nommé bonnet, parce qu’il ressemble au bonnet de lacis, dans lequel les femmes autrefois enfermoient leurs cheveux.

Bonnet d’Hippocrate. Terme de Chirurgie. Espèce de bandage pour la tête, ou de capeline à deux chefs pour les écartemens des futures. Voyez le Dict. de M. Col de Villars.

Bonnet. Terme de filoux au jeu. Les filoux ont donné ce nom à la somme qu’ils gagnent à ceux qu’ils dupent. Ils disent : j’ai donné un bonnet de 400 pistoles à ce Provincial ; c’est-à-dire, qu’ils lui ont filouté 400 pistoles. Ce terme vient du mot de Bonneteur, qui signifie filou au jeu, à la différence des autres filoux qui fouillent dans les poches.

Bonnet. Terme de Perruquier. On appelle ainsi une perruque courte qui descend à peine jusqu’aux épaules, & telle à-peu-près que les Abbés les portent. Les bonnets sont fort à la mode aujourd’hui, é il y a lieu de croire que cette mode durera, à cause de sa grande commodité.

On dit proverbialement, triste comme un bonnet de nuit sans coiffe, à cause qu’un bonnet en cet état est sans ornemens & sans propreté. On dit, mettre la main au bonnet ; pour dire, saluer quelqu’un, à cause que les enfans qui ont leur bonnet qui est attaché, saluent ainsi. On dit aussi de trois personnes liées de grande amitié, & qui sont toujours de même sentiment, que ce sont trois têtes dans un bonnet. On dit aussi, que Janvier a trois bonnets ; pour dire, qu’il se faut bien couvrir la tête durant le froid. On dit qu’un homme a mis son bonnet de travers, pour dire, qu’il a pris de l’humeur, & qu’il querelle tout le monde. On dit encore, bonnet blanc, ou blanc bonnet ; pour dire, que deux choses sont égales, & qu’on peut prendre indifféremment l’une pour l’autre. On dit qu’un homme a la tête près du bonnet, pour dire, qu’il est aisé à mettre en colère, à s’emporter. On dit, j’y mettrois mon bonnet ; pour dire, je gagerois ce que j’ai de plus précieux, ce qui m’est le plus nécessaire. On dit encore, qu’un homme a pris une chose sous son bonnet ; pour