Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/646

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
638
CLI

Alexandre, dans un discours qu’il fit au Sénat après son triomphe sur les Perses, rapporté par Lampridius dans sa vie C. 56, dit, entre autres choses, nous avons tué dix mille Cuirassiers qu’ils appellent Clibanaires. Les Anciens Persans appeloient four ce que nous appellons cuirasse, c’est-à-dire, une arme défensive de fer, qui couvre le corps depuis les épaules jusqu’à la ceinture, un corcelet de fer. Il différoit de celui des Romains, en ce que celui-ci étoit de plusieurs pièces, qui avoient la forme d’écailles ; au lieu que celui des Persans étoit tout d’une pièce comme les nôtres ; parce qu’elle étoit recourbée en voûte, & en forme de four, les Persans l’appeloient d’un mot qui dans leur langue signifioit four, & les Romains en Latin clibanus, qui signifie la même chose ; & les soldats qui étoient armés de cette espèce de cuirasse se nommoient Clibanarii, Clibanaires. Ainsi la milice étoit Persanne & le nom étoit Latin, comme l’a remarqué Saumaise. Car nous ne savons quel étoit le nom Persan, quoi qu’en dise Bochart, qui prétend que ce nom vient du mot Chaldéen, קליפא Klipha, d’où l’on a fait קלבא, Kilba. Ce mot signifie écaille ; Saumaise avoue que les Cuirasses à écailles étoient aussi appelées Clibanus. L’autre opinion est bien plus vraisemblable. Les Gloses Basiliques, & l’Anonyme qui a écrit en Latin de Re Bellica, expliquant ce que c’est que Thoracomachi, ou, selon Saumaise, Thoraconacti, donnent du Clibanus la même idée que nous.

☞ CLICHI. Petit village près de Paris, connu pour avoir été une Maison de plaisance de nos premiers Rois. Clipiacum.

CLIDOMANTIE, s. f. La même chose que CLIDOMANCIE.

CLIENT, ENTE. s. Cliens. C’étoit chez les Romains celui qui se mettoit sous la protection d’un puissant Citoyen, lequel s’appeloit par cette relation patronus, patron, & de son côté devoit à ses cliens sa protection & son secours. Ce patron assistoit le client dans ses besoins, & le client donnoit son suffrage au patron, quand il briguoit quelque Magistrature.

Ce mot vient de cliens, qui est dit comme colens, honorant. Les cliens doivent le respect à leur patron, comme celui-ci leur devoit sa protection. La condition des cliens n’étoit proprement qu’un esclavage un peu adouci. Peu-à-peu cette coutume s’étendit plus loin : non-seulement les familles, mais les villes, & les Provinces entières, même hors de l’Italie, suivirent cet exemple. La Sicile, par exemple, se mit sous la protection de Marcellus. Le patron ne pouvoit rendre témoignage contre son client. Zazius & Budée ont rapporté l’origine des fiefs aux patrons & cliens de l’ancienne Rome ; mais il n’y a pas la même relation entre le vassal & son Seigneur, qu’entre le client & son patron ; car les cliens, outre le respect qu’ils devoient rendre, & le suffrage qu’ils devoient donner à leurs patrons, étoient obligés de les aider dans toutes leurs affaires, & même de payer leur rançon s’ils étoient faits prisonniers à la guerre, en cas qu’ils n’eussent pas assez de bien pour payer eux-mêmes.

On a appelé aussi quelquefois cliens, les vassaux à l’égard des Seigneurs, qu’on nommoit leurs patrons, comme témoigne Budée, & aussi leurs Ecuyers & leurs Courtisans ; & on appeloit clientèle, toute leur famille & leurs domestiques.

Client se dit maintenant d’un plaideur qui a mis sa cause entre les mains d’un Avocat, ou d’un Procureur, pour la défendre. Il se dit aussi par rapport aux Juges, & dans ce sens, il signifie les plaideurs qui les sollicitent.

CLIENTÈLE. s. f. Protection que les grands Seigneurs de Rome donnoient aux pauvres citoyens. Clientela. C’est aussi un nom collectif, pour signifier tous leurs cliens, même les cliens d’un même Seigneur. Le crédit des Romains dépendoit d’avoir une grande & nombreuse clientèle. Il avoit assemblé ce jour-là toute sa clientèle.

Les Avocats & les Procureurs se servent de ce mot, en parlant des Parties dont ils sont chargés de défendre les intérêts. C’est un tel Avocat ou un tel Procureur qui a la clientèle de cette personne ; pour dire, qui défend ses intérêts. On dit qu’un Avocat a de belles clientèles ; pour dire, qu’il a de belles affaires, ou qu’il est chargé des intérêts de personnes distinguées.

CLIFOIRE. s. f. Petit instrument fait d’un morceau de sureau. On en ôte la moëlle, on le bouche par un bout d’un morceau de bois qui a un petit trou au milieu, on y met un piston, & les enfans s’en servent pour jeter de l’eau ; c’est une espèce de petite seringue. Syrinx, sambucca.

On appelle ainsi en Anjou & à Bourges ce qu’on appelle à Paris une Calonière, par corruption, au lieu de Canonnière ; & en Normandie une Saquebute, qui est ce petit canon de sureau avec lequel les enfans jettent de l’eau au nez des passans. Les Manceaux l’appellent Cannepétoire de canna & de pedere ; comme qui diroit canna pedens. Etym. de Ménage aux mots Calonnière, cannepétoire, & clifoire. Ces petites Canonnières ou seringues de bois, dont se servent les enfans pour jeter quelque liqueur que ce soit, s’appellent en Bourguignon chiccli. Cet instrument se nomme Dardoire en Champagne. Les enfans s’en servent aussi au temps de la vendange, pour boire du vin au pressoir. Il a encore un autre usage que Richelet, qui étoit Champenois, explique fort bien au mot Canonnière. C’est, dit-il, un morceau de sureau long d’un demi-pié, que de petits garçons ont vidé, & où ils mettent des manières de balles de papier mâché, qu’ils font sortir de force avec le bâton de la canonnière, qu’ils jettent en l’air, ou qu’ils se jettent les uns contre les autres.

CLIGNEMENT, S. m. Mouvement volontaire par lequel on rapproche les paupières l’une de l’autre, sans cependant que les yeux soient fermés. Mictatio. Le clignement se fait pour regarder un objet éloigné, ou pour empêcher que l’œil ne soit blessé par une trop grande quantité de rayons de lumière. Il ne faut pas confondre cillement & clignement. Nous avons marqué au mot Cillement la différence de ces deux mots & la singulière méprise des Vocabulistes sur cet article.

CLIGNE-MUSETTE, ou CLIMUSETTE, s. f. Jeu d’enfans, dans lequel l’un d’eux ferme les yeux, tandis que les autres se cachent en divers endroits où il est obligé de les chercher pour les prendre. Voyez Musser.

CLIGNER. v. a. Fermer l’œil à demi. Connivere, nictare. Ménage dérive de mot de clinare, inusité, mais primitif de inclinare, qui a été fait du Grec κλίνειν (klinein) qui signifie fléchir, remuer. On ne le dit que des yeux.

Cligné. part. Tenir les yeux clignés.

CLIGNOTEMENT. s. m. Mouvement involontaire, qui fait qu’on remue continuellement les paupières. Palpebratio.

CLIGNOTER. v. n. Mouvoir souvent les paupières, ouvrir & fermer les yeux à tout moment. Nictare oculis. Palpebrare. La grande lumière éblouit & fait clignoter. On dit aussi clignoter des yeux.

CLIMACTÉRIQUE, adj. m. & f. Année dangereuse à passer, où on est en danger de mort. ☞ Période de l’âge de l’homme, où les Astronomes prétendent qu’il se fait dans le corps une altération considérable, suivie de la mort, ou au moins de maladies dangereuses, ou dans la fortune, de grands changemens accompagnés d’accidens funestes. C’est une vieille erreur populaire. Climacter, climactericum tempus, annus climactericus.

Aulugelle dit qu’Auguste, en écrivant à son petit fils Caius, se félicita de ce qu’il avoit passé