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BOU

Anciens sacrifioient des boucs aux Dieux qui présidoient aux plantes, à Bacchus, à Minerve, &c. C’est pour la même raison que nos coutumes défendent qu’on les mène dans les jeunes bois, ou qu’on les laisse aller dans les vignes. Voyez Bois taillis. Il y a même cinq Arrêts du Parlement de Dauphiné, des 14 Août 1554, 4 Novembre 1565, 18 Octobre 1579, 19 Décembre 1605, qui portent défenses de nourrir aucuns boucs, ou chèvres, dans les lieux où il y a des vignes, des vergers, des saussaies, & des bois taillis, mais seulement dans les montagnes & lieux incultes. Les boucs & les chèvres sont les plus lascifs de tous les animaux, & ceux dont l’odeur est plus forte & plus mauvaise. Les Hébreux donnent au bouc l’hépithète de צפיד, matineux, Dan. VIII, 5, 21, soit parce qu’il l’est en effet, & qu’il conduit les chèvres aux pâturages de grand matin, soit parce qu’en certaine saison il se tourne toujours du côté de l’Orient. Dans les jeux du Cirque il paroissoit des enfans à cheval sur des boucs sellés & bridés. L’Anthologie en fait mention, L. I, C. XXXIII. Epigr. 28. Un des ouvrages de sculpture que l’antiquité aie plus vanté, étoit un bouc en plein relief sur une fiole. Il étoit de Myos ou de Myron. Voyez Chèvre.

En termes de l’Ecriture on appelle bouc-émissaire, un bouc qui étoit envoyé dans le désert. On présentoit deux boucs devant l’autel, sur lesquels on jetoit le sort : l’un étoit destiné au sacrifice ; l’autre étoit abandonné dans la solitude. Voyez Emissaire & Azazel. Les boucs sont dans l’Ecriture les symboles des Rois, des Chefs & Conducteurs des peuples. Isaie XIV, 9, Dan. VIII, 5. Dans le nouveau Testament J. C. emploie ce mot pour signifier les réprouvée. Matth. XXV, 32, 33. Toutes les nations se rassembleront devant lui, & il séparera les uns d’avec les autres, comme un berger sépare les brebis d’avec les boucs. Il placera les brebis à sa droite, & les boucs à sa gauche. Bouh.

Quand Dieu viendra juger les vivans & les morts,
Et des humbles agneaux, objets de sa tendresse,
Séparera des boucs la troupe pécheresse. Boileau.

Bouc Étain. C’est le nom qu’on donne au bouc sauvage. Hircus sylvestris. Voyez Bouctein.

Chez les Anciens, le Poëte qui avoit remporté la victoire, avoit pour prix un bouc, victime ordinaire de Bacchus qui présidoit à la Tragédie. C’est de-là que La Tragédie a tiré son nom : car τράγος en grec signifie un bouc.

Du plus habile Chantre un bouc étoit le prix. Boil.

On appelle aussi bouc ou outre, en termes de commerce, un vaisseau fait de la peau d’un bouc, où l’on met du vin, de l’huile & autres liqueurs qu’on transporte. Uter. On se sert aussi de boucs pour toutes les navigations qui se font sur les rivières d’Orient, tant pour passer les rivières à la nage, que pour soutenir des radeaux qui transportent les marchandises sur l’Euphrate, & autres rivières qui ont des sauts. On dit aussi que le Diable se fait adorer au sabat sous la forme d’un bouc.

On dit proverbialement, qu’un homme a une barbe de bouc, quand il n’a de la barbe que sous le menton. Et c’est pour cela qu’on appelle barbe de bouc, ceux qui ont la barbe de cette sorte. Ces vilaines barbes de bouc sont des mélancoliques qui sont toujours en querelle. Ablanc. On dit, puant comme un bouc, à cause que cet animal sent mauvais. Lascif comme un bouc.

☞ On appelle bouc dans les machines hydrauliques une espèce de poulie garnie de cornes de fer qui font monter & descendre une chaîne sans fin.

Bouc. Petit poisson dont parle Athénée. Voyez Boulerot noir.

Bouc, (la tour du) Tour de France, sur les frontières de la Provence, sur un rocher, à l’entrée de la mer de Martigues, dont elle défend le passage.

BOUCACHARD. Petit bourg de Normandie, à cinq lieues de Rouen, au Couchant, dans lequel il y a une maison de Chanoines réguliers.

Boucachard. Espèce de Chanoines Réguliers reformés. Une réforme de Chanoines Réguliers se fit il y a quelques années, & commença dans la maison de Boucachard. C’est de-là que ceux de cette réforme s’appelle les Boucachards. C’est un Boucachard. Quoique cette réforme soit très-nouvelle, & ne soit pas encore approuvée par l’Eglise, elle a plusieurs maisons, & bien des Evêques l’ont introduite dans les maisons des Chanoines Réguliers qui sont dans leurs diocèses, où on les appelle Boucachards, aussi-bien qu’en Normandie.

BOUCAGE. s. m. Tragofelinum. Plante ombellifère qu’on a ainsi nommée à causes que ses racines & ses semences ont une odeur de bouc très-forte. Par rapport à ses feuilles, qui ressemblent en quelque manière à celles de la pimprenelle, on l’appelle pimpinella saxifraga. On trouve en France assez communément trois espèces de Boucage, la grande, la moyenne & la petite ; & ces différences se tirent de la grandeur de leur tige & de leurs feuilles ; car elles ont toutes les trois une racine longue, blanchâtre, un peu fibreuse, fort piquante au goût. Leurs feuilles sont rangées comme par paire sur une côte qui est terminée par une seule feuille. Elles ont un goût moins piquant & moins désagréable que leurs racines. Les tiges sont branchues, hautes d’un pied & demi dans la grande espèce, & garnies de grandes feuilles ; au lieu que dans la moyenne & la petite espèce, les tiges sont bien moins hautes, moins branchues, & leurs feuilles sont coupées en des lanières fort étroites. Ses fleurs sont en ombelles : chaque fleur est composée de cinq pétales inégaux, échancrés & disposés en fleur de lis de France. Elles sont communément blanchâtres, quelquefois purpurines. Les semences sont arrondies, cannelées, menues comme celles du persil. Les racines de boucage sont fort apéritives & très diurétiques : on les préfère à celles du persil ordinaire. Elles sont si piquantes qu’elles pourroient servir de poivre. Aux racines du boucage sont attachées quelquefois de petites vessies rondes, qui teignent en rouge comme le kermès.

BOUCAHU. On dit à Angers qu’une fille a été boucahu, quand elle n’a point dansé au bal. Cette façon de parler vient de ce qu’il y avoit autrefois à Angers une femme de ce nom, qui gardoit des sièges pour le Sermon dans l’Eglise des Cordeliers. M. Bemier de Blois, homme célèbre par son Histoire de Blois, & par celle des Médecins, a employé cette façon de parler dans un Poëme qu’il fit autrefois dans sa jeunesse, intitulé le Bal de Blois.

Dansant l’une à dia, l’autre à hu ;
Et personne n’est boucahu.

On dit à Paris d’une femme qui n’a point dansé au bal, qu’elle a été capot, qu’elle a été bredouille. La première façon de parler a été prise du jeu de piquet, & la seconde, du jeu de trictrac. Ménage.

BOUCAL. s. m. Nom d’une mesure d’Italie, qui, selon Vigenère, tient quatre feuillettes, pèse cinq livres quatre onces italiques, des nôtres quatre livres, & tient une quarte trois poissons. Voyez Boucaut.

BOUCAN, s. m. Mot américain. C’est un gril fait de bois, de Brésil, qu’on éleve au-dessus du feu pour y faire griller de la viande. Le mot de boucan se dit aussi d’une loge couverte avec une sorte de claies, où les Américains se retirent pour y boucaner leur viande.

Boucan de tortue. C’est une espèce de préparation que l’on fait à la tortue, pour l’assaisonner & la faire cuire, en forme de pâté. On prend une des plus grandes tortues, on l’ouvre par les côtés pour en tirer tout le dedans : on lève le plastron d’une autre dont on tire toute la chair, & la graisse que l’on hache dans des jaunes d’œufs, avec des épices, des herbes fines, du jus de citron, du sel & force pîment. On met ce hachis dans le corps de la première qu’on a vidée, & l’on recoud l’ouverture. On descend cette espèce de pâté dans un trou en terre, qu’on a fait presque rougir à force d’y