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AME

est une substance spirituelle, capable d’informer, & d’animer un corps humain, & de faire avec ce corps un animal raisonnable, ou un homme. Il s’ensuit de-là qu’elle est immortelle, qu’elle est essentielle à l’homme & sa plus noble partie, qu’elle est de sa nature la forme du corps, & par conséquent incomplète, comme le Concile de Vienne l’a défini.

☞ L’ame est un agent dont l’activité se développe par une suite continuelle d’opérations différentes ; & comme on a désigné ces opérations par des noms qui les distinguent, on les a aussi attribués à différentes facultés, comme à leurs principes. Les principales de ces facultés sont, l’entendement, la volonté & la liberté.Voy. ces mots & les articles relatifs. L’ame à la vérité est un être simple, mais rien n’empêche qu’en faisant attention à ses différentes manières d’opérer, on ne la considère comme un sujet en qui résident différens pouvoirs d’agir, ou différentes puissances. Et pourvû que l’on prenne la chose de cette manière, cette méthode ne peut que donner plus de précision & de netteté à nos idées. Ainsi les facultés de l’ame ne sont autre chose que les pouvoirs d’agir, ou les différentes puissances qui sont en elle, & au moyen desquelles elle fait toutes ses opérations.

Les Philosophes ne sont pas d’accord sur la manière dont l’ame réside dans le corps. Les uns disent qu’elle est également répandue dans toutes les parties du corps. Les autres prétendent qu’elle a son influence dans tout le corps qu’elle régit & qu’elle gouverne ; & que cependant elle fait la résidence principale dans la glande pinéale du cerveau, où aboutissent tous les fibres, de tous les organes, qui l’avertissent de tout ce qui se passe au-dehors. L’ame est là comme sur son trône, d’où elle commande à tous les membres. Borry, Médecin du Nord, prétend dans une lettre à Bartholin, qu’il se fait dans le cerveau une certaine liqueur très-subtile, & d’une odeur agréable, qui est le siége où l’ame raisonnable réside ; & que la subtilité de l’esprit dépend du tempérament de cette liqueur, plutôt que de la conformation du cerveau, à laquelle on a coutume de l’attribuer. La diversité des connoissances ne vient que de la différente disposition du cerveau qui se trouve dans diverses personnes, ou dans la même dans divers temps ; & la diversité des sentimens n’est causée que par le différent usage qu’elles font de leur liberté. De Rassiels. On distingue sept principales propriétés dans l’ame, qui en sont les différentes modifications ; l’entendement, la volonté, le sentiment, la liberté, la mémoire, l’imagination, & les habitudes diverses qu’elle contracte.

Les Mystiques distinguent deux parties dans l’ame : la partie supérieure, c’est l’entendement, & la volonté ; la partie inférieure, c’est l’imagination, & les sens. Jesus-Christ étoit heureux sur la croix par la partie supérieure de son ame, & souffroit par l’inférieure. La partie inférieure ne communiquoit à la supérieure ni son trouble involontaire, ni ses défaillances. La supérieure ne communiquoit à l’inférieure ni sa paix, ni sa béatitude. Fenel. Les Quiétistes, qui abusent de cette distinction, disent que dans les épreuves tout ce qui se passe contre les bonnes mœurs dans la partie inférieure de l’ame, n’est point contraire à la pureté de la partie supérieure, parce que la volonté n’y a point de part.

En termes de Chimie, on dit l’ame des métaux, des minéraux, des végétaux ; pour dire, ce qu’il y a en eux de plus essentiel, leurs esprits, & leurs sels, &c.

Ame, se prend souvent pour la vie. Rendre l’ame à Dieu, c’est mourir. Animam agere. Cette nouvelle me rend l’ame ; pour dire, me redonne la vie. Il a l’ame sur le bord des lèvres ; pour dire, il est prêt à expirer. Malherbe a dit agréablement :

Et son ame étendant ses ailes,
Fut toute prête à s’envoler.

On dit aussi, il a l’ame sur les levres ; pour dire, qu’il parle comme il pense. En ce sens on dit bien mieux, avoir le cœur sur les levres.

Ame, se dit aussi de la partie spirituelle de l’homme, quand elle est séparée de son corps. Prier Dieu pour les ames des défunts, pour le repos de leurs ames. Dans le discours familier on dit, en parlant d’une personne morte, Dieu veuille avoir son ame. Les ames du purgatoire. Les ames damnées. Les ames bienheureuses. Malherbe a dit des Rois, en vers pleins d’énergie & de vérité :

Et dans ces grands tombeaux où leurs ames hautaines
Font encore les vaines,
Ils sont mangés des vers.

☞ Chez les Payens les ames des morts s’appeloient manes. Voyez ce mot.

En parlant de l’ame par rapport à la Religion, on dit ; Ame régénérée par le baptême ; ame rachetée par le sang de Jesus-Christ ; ame sanctifiée, illuminée par la grâce ; une sainte ame, une bonne ame, les ames dévotes, les ames chrétiennes ; nous avons une ame à sauver ; vous perdez votre ame. Acad. Fr.

☞ L’ame considérée par rapport à ses bonnes ou mauvaises qualités, animus, est belle, noble, grande, héroïque, &c. foible, basse, lâche, &c. Ame de boue, vénale, mercénaire. Voyez toutes ces épithètes. Un cœur noble a de la peine à se laisser entraîner à toutes les bassesses & à toutes les importunités des ames intéressées. P. Gail. Frédégonde n’étoit point de ces ames foibles, qui donnent par timidité dans la superstition. Le Gend. Loin d’ici ces ames foibles, qui ne savent que craindre & désespérer. Tourn. Le souverain bien d’une ame grande & généreuse, c’est de ne rien craindre. S. Evr.

Sous les titres pompeux d’une illustre fortune,
Souvent les plus grands Rois n’ont qu’une ame commune.

Ame, se prend quelquefois pour conscience. On dit qu’un scélérat a l’ame bourrelée. Remordet conscius animus. Il sait bien en son ame que cela n’est pas vrai. Dire qu’un homme n’a point d’ame, c’est dire qu’il n’a ni cœur ni sentiment. Le peuple n’a point d’esprit, & les grands n’ont point d’ame.

☞ On appelle bénéfice ayant charge d’ames, ou avec charge d’ames, celui dont le titulaire est obligé à résidence, chargé d’instruire, d’administrer les Sacremens, de corriger, de veiller sur la conduite des personnes qui lui sont confiées, & de travailler au salut de leurs ames. Tels sont les Evêchés, les Cures. On le dit par opposition à bénéfice simple. Voyez Bénéfice.

☞ Le mot d’ame est souvent employé au figuré, pour marquer qu’une chose est le principe, la cause qui fait mouvoir, qui fait agir quelque chose, qui en est la partie ou la qualité principale. Vis, principium, virtus, causa. La raison est ame de la loi ; pour dire, que c’est elle qui la maintient, que c’est sur elle qu’elle est principalement fondée. Cet homme est l’ame de cette affaire, de cette entreprise : c’est-à-dire, c’est lui qui la conduit, & qui fait aller tous les ressorts pour la faire réussir. Motor, auctor. La charité est l’ame des vertus chrétiennes. La joie est l’ame d’un festin. L’action est l’ame du discours. C’est l’esprit, le salut, l’ame de son empire.

☞ Dans les arts libéraux, l’art oratoire, la poësie, la peinture, la sculpture, la musique, donner de l’ame à quelque chose, c’est exprimer vivement ce qu’on représente, y mettre du feu & de l’énergie. Les Sculpteurs donnent de l’ame au marbre, l’animent, ensorte qu’il paroît prendre vie sous leur ciseau. Virgile a dit, æra spirantia, des figures de bronze qui semblent respirer, auxquelles il ne manque que la parole. On dit de même, qu’il n’y a point d’ame dans le chant, dans la déclamation de quelqu’un ; pour dire, qu’il chante, qu’il déclame d’une manière froide & languissante, qu’il ne fait point sentir ce qu’il dit. La briéveté peut s’appeller l’ame d’un conte, puisque sans elle il faut qu’il languisse. La Font.

Ame, signifie encore une personne particulière. Homo. Il