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ménage dans le fond de cale & des deux côtés, pour aller de la poupe à la proue le long du vaisseau. Fori.

ACCOURCIR. v. a. Rendre plus court, retrancher de la longueur. Curtare, resecare. On conjugue, j’accourcis. Il faut accourcir ce manteau, en rogner un doigt. Il faut accourcir les étriers d’un point, resserrer l’étrivière. On dit aussi accourcir, en parlant d’un discours ; c’est l’abréger. Contrahere, coarctare. Il faut accourcir ce traité qui est trop long.

On dit aussi, accourcir le chemin, quand on prend quelque chemin de traverse qui abrége le chemin, qui le rend plus court. Uti vià compendiariâ.

☞ s’Accourcir. v. récip. Devenir plus court. Les jours s’accourcissent, quand le soleil a passé le solstice d’été. Decrescunt dies.

Accourcir le trait. Terme de Chasse. C’est le ployer à demi, ou tout-à-fait pour tenir le limier. Saln.

Accourcir la bride dans sa main. Terme de manége. C’est une action par laquelle le Cavalier, après avoir tiré vers lui les rènes de la bride, en les prenant par le bout où est le bouton, avec la main droite, les reprend ensuite avec la gauche, qu’il avoit ouverte tant soit peu, pour laisser couler les rènes pendant qu’il les tiroit à lui.

ACCOURCI, IE. part. Contractus, decurtatus, comme son verbe.

ACCOURCISSEMENT. s. m. Ce qui accourcit, ce qui abrége. Contractio. Le passage qu’on a ouvert par ce parc, sert beaucoup à l’accourcissement du chemin. Viæ compendium. Il ne se dit guère qu’en parlant des chemins & des jours.

ACCOURIR, v. n. Aller fort vîte en quelque endroit où quelque chose nous appelle, nous attire. Accurrere, advolare. On Conjugue, j’accours, j’accourois, j’accourus. J’ai accouru, & je suis accouru, j’accourrai, &c. L’armée est accourue en diligence au secours de cette place. Toute la noblesse accourut au bruit du canon, pour se trouver à la bataille. Ses amis sont accourus en foule, ou ont accouru pour le féliciter de sa nouvelle dignité, pour honorer son entrée. Il se dit figurément des personnes qui se portent à quelque action avec beaucoup d’ardeur. Accourir à la vengeance. Ablanc. Il faut dire courir à la vengeance.

ACCOURU, UE. part.

ACCOURS. s. m. Vieux mot que Nicod explique par subvention, affluence d’advenants. Accursus. Il s’emploie encore en termes de Chasse. Ainsi l’on dit : la chasse de sanglier se fait à force, aux accours, aux chiens courans, lévriers, & avec limiers & abboyeurs.

ACCOUSINER. v. a. Consanguineum appellare. Appeler cousin, traiter de cousin. Accousiner quelqu’un. Il se dit avec le pronom personnel. Ces deux Messieurs sont parens ; car ils s’accousinent. Ce mot est populaire, & a vieilli.

ACCOUSTIQUE. s. f. Voyez Acoustique.

ACCOUTREMENT. s. m. Ajustement, parure. Ornatus. Il ne se dit que parmi le peuple, ou dans le burlesque. Quand cet artisan a marié sa fille, elle lui a coûté cent écus pour tous ses accoutremens. Il signifioit aussi l’équipage militaire d’un Soldat, d’un Chevalier, d’un Gentilhomme.

Accoutrement. Il se peut dire figurément des ornemens de l’éloquence. Un Orateur me choqueroit infiniment moins sous l’accoutrement le plus grossier, que sous le fard & l’ajustement d’une courtisane. Morabin. p. 101. Il ne vaut pas mieux au figuré qu’au propre.

ACCOUTRER. v. a. Vieux mot, qui signifioit autrefois, habiller, orner, parer. Ornare. Il y avoit des singes qu’on avoit accoutrés en charlatans. Ablanc. Charles VIII. accorde à la Duchesse Anne par un traité de 1491, qu’il lui sera donné 60000 livres à ce qu’elle puisse tant mieux accoustrer aucuns ses affaires. Il n’est plus en usage qu’en cette phrase figurée & familière. Cet homme en une telle occasion, a été mal accoutré ; pour dire en raillant, qu’il a été maltraité, ou bien blessé. On diroit plus proprement, accoutrer, & préparer des peaux. Ces mots viennent du Gaulois, ou de l’Allemand. On appelle en quelques Cathédrales, comme à Bayeux, Coutre, le Sacristain ou Officier qui a soin de parer l’Eglise ou l’Autel, & en Allemand Kuster Sacristain, νεωκόρος. Du Traité de Charles VIII, dont nous venons de parler, le P. Lobineau juge qu’accoustrer pourroit bien venir de l’ancien mot Breton cost, dépens, d’où a encore été formé celui de custus, cousts ; mais il se trompe, il vient de Kuster, comme nous l’avons dit. Voyez Coustre.

☞ Aujourd’hui quand on se sert de ces mots, il paroît qu’on y attache l’idée d’un habillement extraordinaire. Voilà un accoutrement bien ridicule. Un homme singulièrement accoutré.

ACCOUTUMANCE. s. f. Habitude que l’on contracte en réitérant plusieurs fois la même action, en la faisant tourner en coutume. Consuetudo, assuetudo. On est souvent emporté par la force des mauvaises accoutumances qu’on a contractées dans la jeunesse. L’accoutumance de prendre du tabac est difficile à surmonter. Ce mot qui commençoit à vieillir du temps de Vaugelas, s’est rétabli peu à peu, & plusieurs bons Ecrivains s’en servent. Bouh. Habitude est plus doux, & je dirois plutôt, il a fait cela par une mauvaise habitude, que par une mauvaise accoutumance. Corn. On lui a substitué coutume, quoique ce soit un mot équivoque, & qu’accoutumance exprime bien mieux & uniquement ce qu’il signifie. Mais il n’y a point de raison contre l’usage. Cependant comme les meilleurs Ecrivains se servent du mot accoutumance, il ne faut point absolument le condamner. Un esprit abattu & comme dompté par l’accoutumance au joug, n’oseroit plus s’enhardir à rien. Boil. La jeunesse change ses goûts par l’ardeur du sang, & la vieillesse conserve les siens par l’accoutumance. La Rochef.

ACCOUTUMER. v. a. Faire contracter une habitude. Assuefacere. Il ne faut pas accoutumer les peuples à prendre les armes, & à murmurer. On accoutume les bœufs au joug. Les enfans qu’on accoutume à être applaudis, conservent l’habitude de juger avec précipitation. Fenel. C’étoit la coutume des Sénateurs, de mener leurs enfans au Sénat, pour les former de bonne heure aux affaires, & les accoutumer au secret. Bouh. Il faut accoutumer les enfans à faire le bien, plutôt par leur propre inclination, que par la crainte. Port-R. L’étude de la critique accoutume l’esprit à chicaner. S. Evr.

☞ Quand il est joint avec le pronom personnel, il signifie pratiquer souvent une même chose, contracter une habitude par la fréquente réitération du même acte. On s’accoutume à tout, au travail, à la peine, aux douleurs. Le peuple est accoutumé à la servitude. Nous sommes si accoutumés à nous déguiser aux autres, qu’enfin nous nous déguisons à nous-mêmes. La Rochef.

Accoutumer, est aussi v. n. & signifie alors avoir coutume. On l’emploie avec le verbe avoir. J’ai accoutumé de faire telle chose. Dans ce sens on le dit quelquefois des choses inanimées. Il y a des terres qui ont accoutumé de rapporter deux fois l’an. L’automne n’a pas accoutumé d’être si pluvieuse.

Quand le verbe accoutumer est joint au verbe auxiliaire avoir, il demande que la particule de précède l’infinitif qui le suit : J’ai accoutumé de faire, &c. Quand il est avec être, il demande la particule à : je suis accoutumé à souffrir. Mais accoutumer seul gouverne toujours à : je m’accoutume à prendre les choses sans m’affliger : accoutumez-vous à haïr le vice. Corn. Il faut modérer la légéreté de sa langue, pour l’accoutumer à ne se point précipiter dans les choses obscures & douteuses. Port-R.

☞ Les Auteurs du grand Vocabulaire trouvent à redire à cette remarque, toute vraie qu’elle est. Laissons ces grands critiques s’expliquer eux-mêmes. « On a accoutumé les laquais à être insolens. Nous donnons cet exemple, disent-ils, pour être le correctif d’une erreur du Dictionnaire de Trévoux, qui dit que lorsque le verbe accoutumer est conjugué avec l’auxiliaire avoir, il demande que la particule de précède l’infinitif qui suit. Outre que cet exemple que nous venons de donner, est d’un usage assez connu, pour prouver évidemment l’erreur de ce Dictionnaire,