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exactement citées, & Alexandre ne fait point mention de ce réglement ; il le suppose fait, car il y condamne un abus énorme de quelques gens qui honoroient comme un Saint, un homme qui avoit été tué dans l’ivresse, & il leur défend de lui rendre aucun culte ; vû que quand même, ajoute-t-il, il feroit des miracles, il ne seroit pas permis, de l’honorer comme Saint sans l’autorité de l’Eglise Romaine. Cùm etiamsi per eum miracula fierent, non licet ipsum pro Sancto, absque auctoritate Romanæ Ecclesiæ, venerari. Paroles qui montrent évidemment que la réserve dont nous parlons étoit déjà en usage, & qu’Alexandre la suppose & ne la fait point. Les Jésuites d’Anvers, dans leur savant Propylœum ad Acta Sanctorum Maii p. 173. B, C, conjecturent qu’elle s’étoit établie depuis deux ou trois siècles, par une coutume qui avoit passé en loi, mais qui dans les Xe & XIe siècles n’étoit point encore généralement reçue. Le P. Mabillon, Acta Sanctorum Ben. sœc. V. Præf. § VI, la rapporte aussi au Xe siècle. Il est confiant qu’elle étoit reçue absolument & généralement avant Alexandre III ; car l’Archevêque de Vienne en France, & ses suffragans, le reconnoissent authentiquement l’an 1231 dans la lettre qu’ils écrivent à Grégoire IX, pour lui demander la canonisation d’Etienne Evêque de Die, mort en 1208, Quia nemo, disent-ils quantalibet meritorum prærogativâ polleat, ab Ecclesiâ Dei pro Sancto habendus aut venerandus est, nisi prius per Sectem Apostolicam ejus sanctitas fuerit approbata.

Les cérémonies de la canonisation n’ont point été instituées toutes ensemble, & en même temps : elles ont été ajoutées peu-à-peu, & les unes après les autres à l’acte juridique que faisoit l’Eglise. La première & la plus ancienne est la sentence par laquelle le Pape déclaroit qu’il vouloit qu’on mît un tel au nombre des Saints, & qu’on célébrât sa fête le jour de sa mort. Cette sentence se prononçoit ordinairement dans un Concile. Quelquefois cependant le Pape la prononçoit seul, comme celle de la canonisation de S. Edouard, Roi d’Angleterre, faite en 1161, par Alexandre III. Quelquefois dans une grande assemblée de peuple, comme celle de S. François d’Assise. D’abord cette sentence se lisoit dans la salle du Concile ; ensuite on établit qu’elle seroit lue dans une Eglise, ou dans la place qui seroit devant l’Eglise. Pour rendre encore la cérémonie plus célèbre, Honorius III, y ajouta quelques jours d’indulgences en 1225, Grégoire IX, & d’autres ensuite en augmentèrent le nombre, & enfin Adrien VI, accorda une indulgence plénière l’an 1523, à la canonisation de S. Bennon. Un ancien cérémonial, qui avoit succédé à l’Ordre Romain, & qui a été en usage jusqu’à Léon X, sous le Pontificat duquel Marcel, élu à l’Archevêché de Corcyre, imprima le Nouveau Cérémonial, est le premier livre où l’on trouve les cérémonies de la canonisation. Ce Cérémonial est du Pontificat de Clément VI. vers l’an 1348. Elles n’avoient point été mises dans l’Ordre Romain, parce qu’elles ne se faisoient pas alors dans l’Eglise pendant la célébration des saints mystères, mais dans la salle du Concile. C’est, à ce que l’on croit, Alexandre III, qui fit le premier la canonisation de S. Thomas de Cantorberi en célébrant la Messe. Baronius dans ses Notes sur le Martyrologe, &c après lui Phœbæus, remarque qu’à la canonisation de S. Roch, faite au Concile de Constance en 1414, on porta pour la première fois l’image du Saint en procession par toute la ville ; & Phœbæus croit que c’est là l’origine des Bannières du Saint canonisé, & de la procession qui se fait à la canonisation. Voyez les Bollandistes, Propyl. ad Act. SS. Maii Dissert. XX, p. 171 & seq. & la Préface des Acta Sanct. Bened. sæc, V, § VI.

Une manière de canoniser les Saints en usage dans les Xe & XIe siècles étoit d’élever, avec la permission du S. Siège, un autel sur leurs corps. Ainsi S. Romuald, mort en 1027 le 19 Juin, faisant beaucoup de miracles à son tombeau, cinq ans après les Camaldules obtinrent du S. Siége la permission d’élever un autel sur son corps, comme il est remarqué dans la Préface des Acta SS. Ben. Sæc. V, n. XCVIII.

Canonisation, se dit aussi de la Fête qui se fait en plusieurs Eglises, ou le nouveau Saint est honoré, en témoignage de réjouissance de cette déclaration. Festivitas ob relatum recens aliquem Sanctorum in numerum, canonisationis festivitas.

CANONISER, v. act. Mettre au nombre des Saints un homme qui a vécu exemplairement, & qui a fait des miracles ; assigner certain jour pour en faire la fête, & ordonner un Office convenable pour l’invoquer. Aliquem Sanctorum in album, in numerum referre, adscribere. Ce mot vient de ce qu’autrefois on inséroit le nom des Saints dans le Canon de la Messe, avant qu’on eût fait des Martyrologes ; & l’on en faisoit commémoration, afin qu’ils priassent pour le peuple.

Canoniser, signifie inscrire une loi dans les Registres publics, lui donner force de loi, la mettre au nombre des loix. Dans l’ancien Code Romain on a canonisé plusieurs Loix Impériales. Histoire du Droit Canon.

Canoniser. Marot s’est servi de ce mot pour, faire Chanoine, ou Chanoinesse. Canonicum, ou Canonicam facere. Inter Canonicos, ou Canonicas adlegere.

Avant la mort les six canonisées,
Ou pour le moins les six chanoinisées.

Canoniser se dit figurément, pour louer comme une chose sainte & digne d’un Saint. Laudare, celebrare. Ne seroit-ce pas une contradiction insoutenable de louer, par exemple, & de canoniser dans Thérese ce renoncement parfait où elle a vécu à tout ce qui peut flater les sens, tandis qu’on cherche à les satisfaire ? Bourdal. Entr. T. I, p. 324.

Canonisé, ée. part.

CANONISTE. s. m. Docteur en Droit Canon, ou Auteur qui a beaucoup écrit sur le Droit Canon, ou qui est versé dans le droit Canon. Juris Canonici, Pontificii peritus, Canonista. Panorme, Hostiensis, Durand, &c. ont été de grands Canonistes. Les opinions des Canonistes Ultramontains sont bien différentes de celles des Canonistes François.

☞ CANOPE. Ville. Voyez plus bas Canopus.

CANOPIEN. adj. masc. Surnom d’Hercule l’Egyptien, près de la ville de Canope, dans la basse Egypte, où il étoit honoré.

CANOPITE. s. m. C’est le nom d’un collyre, dont on trouve la description dans Celse, Lib. VI, cap. 6.

CANOPUS. s. m. Faux Dieu des Egyptiens. Canopus. Canopus étoit le pilote d’Osiris, si l’on en croit Plutarque : selon d’autres, le pilote de Ménélas, qui ayant fait naufrage sur la côte d’Egypte, y fut honoré comme Dieu. On lui bâtit un temple : il passa pour être un Dieu des eaux, & fut même appelé Neptune Canope. Aristide néanmoins dit avoir appris d’un Prêtre considérable de la ville de Canope, que long-tems avant Ménélas, ce lieu portoit ce nom, ou du moins un mot fort approchant en égyptien, & qui signifioit Terre d’or. Voyez sur ce Dieu Vossius De Idolol, L. I, cap. 31, & L. II, cap. 74. Cet auteur prétend qu’on n’entendoit par-là autre chose que l’eau. Ruffin rapporte, Hist. Eccl., liv. II, ch. 26, comment un Prêtre Egyptien lui fit remporter la victoire sur le Feu, qui étoit le Dieu des Chaldéens. Les Egyptiens le mirent au nombre des Dieux. Suidas rapporte la même chose. Les Chaldéens se vantoient que le Dieu qu’ils adoroient, c’est-à-dire, le Feu, étoit le plus puissant & le vainqueur de tous les Dieux. Un Prêtre de Canopus, pour leur montrer que son Dieu l’emportoit sur le Feu, prit une grosse cruche telle qu’on en faisoit en Egypte pour purifier l’eau, c’est-à-dire, toute percée de petits trous comme un crible ; il la peignit