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BOU

du goût des autres par grossiéreté de mœurs & par défaut d’éducation. Le bourru, dit proprement quelque chose de maussade. Il a l’esprit bourru, l’humeur bourrue.

On sçait que c’est un vieux bourru, (Juvénal.)
Dont l’âpre & bouillante colère,
Quand une fois il est feru,
Ne feroit pas grace à son pere. P. Du Cerc.

☞ Voyez aux articles particuliers les nuances qui distinguent les autres mots.

☞ On appelle vin bourru, du vin blanc nouveau, qu’on n’a point laissé bouillir, & qui se conserve doux dans le tonneau pendant quelque temps.

☞ Le mot de bourru s’applique aussi à tout fil inégal, ou chargé de différentes bourres de la même espèce, qu’on n’a pas eu soin d’ôter lors de sa fabrique. Fil bourru, soie bourrue.

Bourru, en termes de botanique, se dit des plantes, ou de leurs parties, qui sont garnies de bourre. Pilosus. L’artichaut a une tige cannelée & bourrue.

Les Naturalistes appellent plantes bourrues, celles dont la graine étant trop mûre, devient en petites parties si menues, que le moindre vent ou soufle les dissipe, comme celles de plusieurs chardons qui croissent dans les blés.

Le Moine Bourru, est un fantôme imaginaire, dont on fait peur aux petits enfans ; un lutin, qui dans la croyance du peuple court les rues aux Avents de Noël, & qui fait des cris effroyables. Larva.

☞ BOURRY. Bœuf de l’Isle de Madagascar. Voyez Bœuf.

BOURSAULT. s. f. Espèce de saule. Salix fatua.

Boursaut, ou Bourseau. Voyez Bourseau.

BOURSE. s. f. Espèce de petit sac de cuir, ou de velours, ou de quelque étoffe d’or, d’argent, ou de soie, qui se ferme avec des cordons ou avec un ressort, & dans lequel on met l’argent qu’on veut porter sur soi. Sacculus, marsupium, crumena, loculus. Les voleurs demandent la bourse le pistolet à la main.

Ce mot vient de bursa, dont les Auteurs de la basse latinité se sont servis dans le même sens, & qui vient du grec Βύρσα, qui signifie cuir. Ménag. Henri Etienne, De latinitate falso suspectâ, c. 8. le tire de Βύρσα, d’où les Italiens ont aussi fait borsa ; mais il y a plus d’apparence que du grec Βύρσα on a formé en latin barbare boursa, & de boursa les François ont fait bourse. Le P. Pezron prétend qu’il est pris du celtique bours & purs. On trouve souvent byrsa, & byrsus, dans la basse latinité, pour signifier un sac, ordinairement de cuir de cerf, de bœuf, &c.

Bourse de Jetons, est une bourse pleine de cent jetons d’or, ou d’argent, que certains corps d’Officiers font battre avec quelques devises pour en faire présent aux Princes, aux Ministres, aux Magistrats de la protection desquels ils ont besoin. Calculorum sacculus. Le garde du trésor royal porte tous les premiers jours de l’an une bourse de jetons d’or au Roi.

Bourse. Dans les Eglises & les sacristies, est aussi une espèce de boîte platte & carrée, faite de deux cartons, joints par un bout, & ouverts par l’autre, entre lesquels on met le corporal. Ils sont revêtus en dedans de toile, & en dehors couverts d’étoffe, & souvent ornés de broderie. Les deux côtés sont garnis de toile, qui donne du jeu aux cartons, afin qu’on puisse les ouvrir & les fermer. Corporalis theca. La bourse se met sur le calice ; & quand le Prêtre est à l’autel, & qu’il a tiré le corporal de la bourse, il dresse la bourse contre les gradins du côté de l’Evangile.

Bourse, est aussi dans le Levant une manière de compter. Le Grand-Seigneur a tant de bourses de revenu. L’Egypte doit tant de bourses au Bacha qui la gouverne. Ces bourses sont de cinq cens écus, ou de vingt-cinq mille médins. Il est très-probable que cet usage de compter par bourse ne vient point des Turcs, mais qu’ils l’ont pris des Grecs, & ceux-ci des Romains, dont les Empereurs l’avoient porté de Roma à Constantinople. Une lettre de Constantin à Cécilien, Evêque de Carthage, rapportée par Eusèbe, Hist. Eccl. T. IX. chap. 6. & par Nicéphore, Liv. VII. ch. 42. le prouve. Ce Prince dit : Ayant résolu de donner quelque chose pour l’entretien des Ministres de la Religion Catholique par toutes les provinces d’Afrique, de Numidie & de Mauritanie, j’ai écrit à Vesus, Trésorier général d’Afrique, & lui ai donné ordre de vous faire compter trois mille bourses. On peut appeller bourse, dit sur cela M. l’Abbé Fleury, ce que les Romains nommoient alors follis ; c’étoit une somme de deux cens cinquante deniers d’argent, qui revient à cent quatre livres trois sols quatre deniers de notre monnoie. Ainsi les trois mille bourses faisoient plus de 300000 livres.

Mais il faut remarquer que follis se prenoit en plusieurs significations très-différentes. Car premièrement il signifie une bourse, un petit sac dans lequel on met son argent. Plaute, Aulul. Act. II. fc. 4. v. 23. & Juvénal, Sat. XIII. v. 61. Sat. XIV. v. 281. Apul. Liv. IV. Métam. Vegetius II. 20. le prennent en ce sens.

Ensuite follis se prit pour l’argent qui étoit dans la bourse, de même qu’en françois & il se dit tant du cuivre, que de l’argent & de l’or, & eut différentes significations. Car, 1°. on appela follis le dupondius, ou la pièce de deux sols, qui étoit une monnoie de cuivre, & qui changea de poids & de prix selon les changemens du dupondius, mais ceci n’est point de notre sujet. Dans l’or il ne se dit jamais d’une pièce de monnoie particulière ; mais dans l’argent, peut-être l’usage avoit-il introduit que les pièces d’argent qui faisoient la bourse s’appelassent aussi chacune, follis, bourse.

Quelquefois follis se prenoit pour un poids, & c’est en ce sens que le follis comprenoit 312 livres six onces, lesquelles font 250 deniers, si cependant ce sont des deniers ; car un vieux Glossaire des Basiliques qu’avoit le P. Sirmond, & dont le P. Petau rapporte le morceau qui regarde le fillis, sembloit porter δονάρια, au lieu de δηνάρια, & Alciat traduit donos : on ne comprend pas trop ce que c’est. M. l’Abbé Fleury dit sans hésiter que ce sont des derniers, & les prend pour la somme signifiée par le mot follis, bourse, quoique ce ne soit encore que le follis, poids, & non point le follis, somme, comme il paroît par le texte de ce Lexicon Nomique rapporté par le P. Petau.

Enfin, il se prend pour une somme composée de 225 petites monnoies d’argent, dont chacune pesoit deux κεράτια moins un quart. Le κεράτιον étoit la douzième partie d’une once ; ainsi la bourse composée de 225 de ces monnoies étoit de 32 onces, neuf κεράτια ou 9 douzièmes d’once, plus les trois quarts d’un κεράτιον ; & 3000 bourses faisoient 98250 onces, ou 12281 marcs plus deux onces. Or en mettant le marc d’argent à 27 livres, les 3000 bourses font 331587 livres, & chaque bourse 100 livres 17 sous & un peu plus, mais ce plus ne va pas à un denier. Voilà ce que c’étoit que la bourse chez les anciens. Voyez le P. Petau sur S. Epiphane, Tom. II. pag. 431 & suiv. Jean Frid. Grononius, De Pecuniâ Vet. Lib. IV. cap. 16. Vossius, Lex Etymol. Stewech, in Veget. Thesaur. Antiq. Rom. Grævii, Tom. X. p. 1179.

S. Epiphane, dans son Traité des poids & des mesures, parlant du follis, dit qu’il est de deux sortes, l’un qui est composé de deux pièces d’argent, ἐκ δύο ἀγύρωο συγκέιμενον, lesquelles valent 208 deniers, οἱ γίνονταί σή δηνάρια ; l’autre est une pièce de monnoie, & ne fait rien ici. Scaliger, au lieu de lire comme le P. Petau σή δηνάρια, 208 deniers, corrige σπὴ, 288 deniers. Un manuscrit de la bibliothèque du Roi cité par le P. Petau, Epiph. T. II. p. 443, porte, οἳ γίνονταί σοι δηνάρια, lesquelles (deux pièces d’argent) vous font vingt deniers. Mais Gronovius, à l’endroit que j’ai cité, lit, σὶ δηνάρια, 250 deniers ; & l’on ne peut douter que ce ne soit