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satin. Cette autre a la chair d’oison ; pour dire, rude, épaisse & grenue. ☞ Ainsi quand on dit : voilà une belle chair, & voilà de belle viande : on dit deux choses bien différentes. La première de ces expressions peut être l’éloge d’une jolie femme ; & l’autre est celle d’un bon morceau de bœuf ou de veau non cuit. Encyc.

Chair carrée (la) de la plante du pied. Voyez l’Accessoire du long extenseur des orteilles.

Chair, se dit généralement des animaux qui servent d’aliment à l’homme. Chair de bœuf, de mouton. Chair bouillie, rôtie. Chair fraîche, qui est nouvellement tuée. Caro recens. Chair salée. Chair qu’on sale pour la conserver long-temps, telle que celle dont on charge les vaisseaux dans les voyages de long cours. Caro salsa. Chair de boucherie, est la grosse viande, bœuf, mouton & veau. Caro bubula, vervecina, vitulina. Les Antropophages se repaissent de chair humaine.

Le Roi Jean, par son édit du 30 Janvier 1350 ordonna aux Bouchers de ne vendre que des chairs bonnes & loyales, leur défendit de les garder après être tuées plus de deux jours en hiver, & un jour & demi en été, & d’en vendre aucune sursemée. Une ordonnance du Prévôt de Paris du 24e Septembre 1517 défend que la même personne soit Boucher & Tavernier, & aux Taverniers de tuer des bestiaux chez eux, pour en vendre les chairs ; parce que ne les débitant que cuites, il y a beaucoup de défauts que l’on ne pourroit reconnoître. Un arrêt du Parlement de Toulouse du 26 Mars 1525 défend aux Bouchers de vendre des chairs morveuses & infectées. Le Parlement de Paris par un arrêt du 29 Mars 1551, porte que les Bouchers seront tenus de fournir les Boucheries chacun jour de chairs saines, nettes, & non corrompues, dûement visitées, selon les arrêts. Par sentence du Châtelet du 20 Juillet 1559 après avoir oui les Jurés Bouchers, qui dirent qu’il n’étoit pas bon de vendre la chair le même jour qu’elle est tuée, mais le lendemain ; il est fait défense aux Bouchers d’exposer en vente les chairs chaudes, à peine de confiscation & d’amende. Voyez M. de la Marre, Traité de la Police, Liv. IV, Titre V, ch. I, où il y a encore d’autres Sentences & Arrêts.

Chair considerée comme aliment, se dit particulièrement des animaux terrestres & des oiseaux. C’est pour cela qu’on dit qu’on ne mange point de chair en Carême.

Chair blanche ; c’est celle des chapons, des poulardes, des dindons & autres, dont la chair est véritablement blanche. Chair noire, celle des lièvres, des bécasses & autres, dont la chair est toujours brune.

Chair, se dit aussi des poissons. Caro piscium. Le brochet a la chair plus ferme que le barbeau ; les truites saumonées ont la chair rouge.

Chair, se dit aussi de la substance des fruits. Ce melon a la chair rouge, a une belle chair. Caro peponum. La chair d’une prune, d’une cerise. On dit, une chair beurrée & fondante, quand la chair se fond aussitôt dans la bouche. Chair cassante, se dit des poires qui sont fermes sans être dures : chair pâteuse, &c. Une chair fine, une chair grossière, farineuse, une chair tendre. Liger. Une chair coriace & dure, se dit de certaines poires qui n’ont aucune finesse, ni délicatesse, & qu’on a de la peine à avaler ; telles sont le catillac, les double fleur, les fontarabie, les parmein, &c. La Quint. Une chair farineuse, se dit de certaines poires qui sont mauvaises & désagréables au goût. Id. Une chair aigre. Id. Théophraste donne aussi aux plantes leur propre chair alentour de leurs filamens.

☞ Le mot de chair a un rapport à la composition physique de l’animal que n’a pas celui de viande : mais le mot de viande porte avec lui une idée de nourriture que n’a pas celui de chair. Ainsi l’on dit que le poisson & les légumes sont viande Carême, & que la perdrix a la chair courte & tendre.

☞ Il faut encore remarquer que le mot de viande se prend dans un sens plus général & plus abstrait que le mot de chair. La chair de poulet, de perdrix, de bécasse, &c. sont des viandes ; mais on ne dit pas la viande de poules, &c. toute viande se mange, toute chair ne se mange pas. Tout cela se trouve renfermé dans l’idée que M. l’Abbé Girard donne de ces deux mots.

Mortifier la chair, c’est à l’égard des opérations de Chirurgie, l’endormir, l’engourdir pour diminuer le sentiment de douleur quand on coupe quelque membre. Carnem sopire. A l’égard des alimens, c’est garder la chair quelque temps avant que de la manger, pour la faire trouver plus tendre. Carnem teneram facere, reddere. Et à l’égard de la morale ; c’est affliger son corps par plusieurs austérités, comme jeûnes, haires, disciplines, &c. In corpus, in carnem sævire, inflictis ultrò doloribus, carnem, corpus affligere.

Chair, dans l’Ecriture-Sainte, se dit de l’union qui est entre le mari & la femme. Le mari & la femme sont deux dans une même chair. Erunt duo in carne una.

☞ On le dit encore de l’homme & de tous les animaux vivans. Toute chair est arrivée en ma présence.

Chair, se dit en Théologie, en parlant des mystères de l’Incarnation & de l’Eucharistie, & de la Résurrection.

☞ Le verbe s’est fait chair. Verbum caro factum est, c’est-à-dire. J. C. a pris un corps humain dans le sein de la Vierge.

☞ L’Eglise Catholique croit que le pain est réellement changé en la chair de J. C. dans le Sacrement de l’Eucharistie. On mange réellement la chair de J. C. dans la sainte communion. La Résurrection de la chair est un article de foi que nous devons croire.

Chair, en style d’Ecriture-Sainte & en morale, signifie aussi concupiscence.

C’est un commandement de la Loi, Œuvre de chair ne desireras qu’en mariage seulement. S. François se plongeoit dans la neige pour dompter les rébellions de la chair. Bail. La virginité est un martyre perpétuel qui combat contre les aiguillons de la chair. La chair est un cheval fougueux, qu’il faut dompter par la tempérance & par le travail. S. Evr.

Cette chair que nous avons à combattre, est une chair souillée de mille désordres, une chair de péché… La chair du Fils de Dieu n’avoit rien de tout cela ; c’étoit une chair sainte & sanctifiante, une chair sans tache toute pure, une chair pleinement soumise à l’esprit, c’étoit la chair d’un Dieu, Bourdal. Exh. II, p. 92, 93. Ce que S. Paul appelle les œuvres de la chair, (Galat. V) sont les débauches, les impudicités, les querelles, les dissensions, les envies. Id. p. 92. Le même Apôtre appelle prudence de la chair, les ruses de la concupiscence & de l’amour-propre. Les désirs de la chair. On dit aussi au même sens crucifier sa chair, c’est une expression de S. Paul, Gal. V, 25. Les engagemens de la chair sont un obstacle invincible à la grâce du baptême. Bouh. Xav. Liv. III.

Vous êtes donc bien tendre à la tentation ;
Et la chair sur vos sens fait grande impression. Mol.

Chair, se dit encore figurément, en style d’écriture, pour désigner l’humanité & les foiblesses qui l’accompagnent, l’homme terrestre & animal, attaché aux sens, sujet aux passions & aux foiblesses de la nature, par opposition à l’homme spirituel éclairé par la foi. La terreur d’un traitement inhumain ébranle la chair. Patru. Nous portons par-tout avec nous un cœur de chair. Id. La con-