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mot est plus usité en Poësie qu’en prose : & même en Poësie on ne s’en doit servir que rarement, à moins qu’il ne soit employé dans quelque jolie façon de parler.

Il n’est permis d’aimer le change
Que des femmes & des habits. Malh. & Rac.

Change signifie quelquefois la menue monnoie qu’on donne pour de la grosse, Pecuniæ permutatio, commutatio. Il m’est venu demander le change d’une quadruple. On ne le dit plus en ce sens.

Change signifie aussi le commerce d’argent qu’on fait en donnant de l’argent dans un lieu, pour le remettre ou le faire tenir en un lieu éloigné. Publica pecuniæ commutatio. Ce Banquier exerce le change avec honneur, il entend bien le change.

Change est aussi un profit qu’un Banquier ou un Négociant a droit de prendre d’une somme de deniers par lui reçue, pour laquelle il tire une lettre de change payable en quelque lieu, & par une autre personne, tant pour le salaire de sa négociation, que pour l’intérêt de son argent, permutatæ pecuniæ usura. Ce profit n’est jamais égal, & est quelquefois de deux, trois, quatre, ou de dix ou quinze pour cent, suivant que l’argent est rare, ou que l’aloi des espèces est différent. Le change se règle suivant l’usage de la place, du lieu où les lettres sont payables.

Ce mot vient de ce que ce profit ou intérêt change toujours, & n’est jamais égal ; ou de ce qu’il est tantôt haut & tantôt bas ; ou bien de ce qu’on change son argent contre une lettre, ou qu’on change de débiteur.

Le change menu, qu’on appelle quelquefois pur ou naturel, ou commun, ou manuel, est le change qui se fait tous les jours & à tous momens, en faveur des Marchands & des Voyageurs, qui, voulant avoir de la monnoie pour de grosses pièces d’or & d’argent, ou certaines espèces pour d’autres, donnent quelque petit profit à ceux qui leur font ce change.

Le change réel, que quelques-uns appellent mercantile ou mixte, est celui qui se fait par lettres de change & négociation d’argent de place en place.

Le change sec, Cambium siccum, qu’on nomme feint, ou impur, est celui qui n’a que le nom & l’apparence du change : & c’est pour cela qu’il est appelé sec, c’est-à-dire, qu’il ne donne aucun titre & fondement légitime pour prendre quelque profit, & n’est qu’un pur prêt & usure palliée. Ainsi, quand sous le nom de change on prête de l’argent, & qu’on prend quelque chose au-delà du capital, à cause du seul délai du payement, c’est un change sec. Confér. Eccl. du Dioc. de Condom.

Le change du pair se dit quand il n’y a rien à perdre ou à gagner entre les Cambistes, & quand pour un louis d’or qu’on donne en un lieu, on en reçoit un autre en la même espèce dans une autre place. Gratuita pecuniæ commutatio. Les Auteurs qui ont traité du change, sont Boyer, dans son Arithmétique des Marchands ; Le Gendre, dans son Arithmétique en perfection ; Barrême, dans son Livre du Grand Commerce ; Savari, dans son Parfait Négociant ; Samuel Ricard, dans son Traité du Commerce, &c. Le change est gros d’ici à Rome, à cause de la diversité des monnoies.

Lettre de Change, est une rescription que donne un Banquier ou un Marchand pour faire payer à celui qui en sera le porteur, en un lieu éloigné, l’argent qu’on lui compte au lieu de sa demeure. Publica pecuniæ permutatio, Mensarii chirographum ad pecuniam ab alio mensario alio in loco accipiendam ; Cambium nationale. Quelques-uns appellent change sec, les lettres de change qui se donnent sans faire aucun transport de deniers. Il y a quatre sortes de lettres de change : la première, pour valeur reçue ; la seconde, pour valeur en marchandises ; la troisième, pour valeur de moi-même ; & la quatrième, pour valeur entendue. Les lettres de change sont payables, ou à lettre vue, ou à tant de jours de vue, ou à certain jour nommé & précis, ou à usance, qui est un mois, ou à double usance, qui est de deux mois. Elles sont aussi payables au porteur ou à son ordre. L’origine des lettres de change est venue des Juifs ; lorsqu’ils furent chassés de France sous Philippe Auguste en 1181, & Philippe le Long en 1316. Elles furent mises d’abord en crédit à Lyon. D’autres en font remonter l’origine jusques sous Dagobert, l’an 640 qu’il chassa les Juifs de France. Les billets de change sont différens des lettres de change, en ce que les lettres de change se font pour argent fourni & reçu effectivement ; au lieu que le billet de change est causé pour valeur reçue en une autre lettre de change qui est fournie en même temps & en certain lieu sur certains Marchands. Ces billets sont sujets aux mêmes diligences que les lettres de change, & doivent être demandés dans les dix jours de l’échéance & de l’acceptation, après lequel temps il n’y a plus de recours sur le tireur ; à la réserve qu’il suffit de faire pour ceux-ci de simples sommations, au lieu d’un protêt en forme. Tous les tireurs de lettres ou billets de change, donneurs d’ordres ou d’aval, accepteurs, ou souscripteurs, peuvent être contraints par corps.

Les Bonzes du Japon donnoient des lettres de change pour l’autre vie. Ils donnoient des lettres de change en faveur des morts. Idem.

Place du change est un lieu public dans les villes de commerce, où les Marchands & Banquiers s’assemblent pour exercer leur commerce d’argent. Forum argentarium. A Lyon on l’appelle absolument le Change, la loge du Change ; à Amsterdam & autres lieux, la Bourse. A Paris on l’appelle simplement la Place. On ne souffre pas qu’un Marchand qui a fait faillite entre dans la loge du Change. On appelle aussi le Pont au Change à Paris, le pont où demeuroient autrefois les Changeurs. Pons argentarius.

Change signifie encore la banque, ou le lieu où se fait précisément le Change. Mensa. Aller au Change. Le Change est ouvert, est fermé, est plein de monde.

Change, en terme de Vénerie, se dit quand des chiens qui poursuivoient un cerf ou quelque gibier, le quittent pour courre après un autre qui se présente devant eux. Erratio seu canum, seu venatorum in persequendo cervo adventitio peu eo quem jam aliquamdiù persecuti suerant ; aberratio. Cette meute ne prend point le change. Il est opposé à droit, qui est le premier gibier qu’on a poursuivi. Garder le change, c’est suivre toujours le même gibier. Prendre le change, c’est en suivre un nouveau. Un vieux cerf donne le change, & laisse son écuyer à sa place. On le dit aussi d’un lièvre, lorsqu’il se dérobe des chiens, & leur donne à courre quelqu’autre lièvre à sa place.

Change, se dit aussi en termes de Fauconnerie, lorsque l’oiseau quitte son entreprise pour une nouvelle, ou lorsqu’il prend des pigeons, ou d’autre gibier qu’il ne doit pas voler. Erratio accipitris.

En ce sens, on dit figurément qu’un homme a pris le change, qu’on lui a donné le change, quand on lui a fait quitter quelque bonne affaire pour en poursuivre une autre qui lui est moins avantageuse. Aberrare, falli, hallucinari, alio adduci. Il est aisé de faire prendre le change à son adversaire, quand il n’est pas ferme sur ses principes.

Un homme prend le change, lorsque dans une dispute, dans un raisonnement, dans la négociation d’une affaire, il sort de son sujet pour s’attacher à des choses dont il n’est point question. Acad. Franc.

On a donné le change aux ennemis, on a fait semblant de marcher à droit, & on a pris à gauche.

On dit proverbialement, rendre le change à quelqu’un, lui donner son change ; pour dire, lui répliquer fortement, lui rendre la pareille. Par pari referre.

CHANGEANT, ANTE. adj. Qui change souvent.