Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
429
CHA

modè vivant, & Episcopus eorum regat vitam, sicut Abbas Monachorum. Ce fut par cette voie que l’esprit du Monachisme s’introduisit dans des Eglises Cathédrales. Les Clercs s’étant soumis à certaines règles, devinrent demi-Moines ; & au lieu de s’appliquer à des fonctions purement ecclésiastiques, la plupart étoient enfermés dans des cloîtres comme des Moines : on appela même le nom de leurs demeures Monasterium ; & il étoit fermé, comme il paroît par les Statuts synodaux d’Hinemar, faits en 874 : en sorte qu’il y avoit deux sortes de Monastères ; les uns étoient pour les Chanoines, & les autres pour les Moines. Le chant devint peu à peu leur principal emploi. Ils ne conservent encore aujourd’hui presque que le chant, & les Evêques ne les regardent que comme des Chapelains.

Saint Chrodegand fit au VIIIe siècle une règle pour les Chanoines. Nous l’avons encore en 34 articles, sans la préface. Elle est tirée de celle de S. Benoît, qu’il accommode, autant qu’il peut, à la vie des Clercs, qui servent l’Eglise. Elle fut reçue par tous les Chanoines. Il y règle la clôture, les vêtemens, les pénitences, les domestiques ou serviteurs des Chanoines. En 816, au mois de Septembre, la dixième indiction étant commencée, l’Empereur Charlemagne exhorta les Evêques assemblés à Aix-la-Chapelle, à dresser une règle pour les Chanoines, composée d’extraits des Peres & des Canons. Cette règle des Chanoines contient 145 chapitres, dont les 113 premiers ne sont que des extraits des Peres & des Conciles touchant les devoirs des Evêques & des Clercs ; après quoi les réglemens du Concile même, par rapport aux Chanoines, commencent. On trouve cette règle dans les Conciles de l’Edition du P. Labbe, T. VII, p. 1314. C’est le premier livre du Concile d’Aix.

Chanoine Régulier. Canonicus Regularis. Les Chanoines Réguliers sont des Chanoines qui vivent en communauté, & qui, comme des Religieux, ont ajoûté dans la suite à la pratique de plusieurs observances régulières, la profession solennelle des vœux. On les appelle Réguliers, pour les distinguer des Chanoines qui abandonnèrent avec la vie commune la pratique des saints Canons faits pour servir de règle au Clergé, & en maintenir l’ancienne discipline. Les Clercs Chanoines subsistèrent jusqu’au onzième siècle. En ce temps, quelques-uns s’en étant séparés, on les appela simplement Chanoines ; & ceux qui la retinrent Chanoines Réguliers, comme on a fait depuis ce temps-là, c’est-à-dire, depuis cinq ou six cens ans. Quelques-uns en rapportent l’origine au quatrième Canon du Concile de Rome, tenu sous Nicolas II, en 1059, qui ordonne que les Prêtres, Diacres ou Soudiacres, qui auront gardé la continence, suivant la constitution du Pape Léon IX, mangeront & logeront ensemble près des Eglises pour lesquelles ils sont ordonnés, mettront en commun tout ce qui leur vient de l’Eglise, & s’étudieront à pratiquer la vie commune & apostolique. Selon d’autres, dès le sixième siècle, plusieurs Clercs ayant quitté cette manière de vivre en commun & régulièrement, ceux qui la retinrent furent nommés Clercs Chanoines, c’est-à-dire, Clercs Réguliers, vivans selon les Canons & les règles de l’Eglise ; & les autres furent nommés Clercs Acephales, c’est-à-dire, sans chef, parce qu’ils ne vivoient plus en communauté avec l’Evêque.

Les Chanoines Réguliers font presque tous profession de suivre la règle dite de saint Augustin, adoptée par beaucoup de sociétés de l’un & de l’autre sexe. Quoiqu’ils réunissent en eux les différentes fins de l’état clérical & de l’état régulier, on doit les regarder comme faisant partie du corps du Clergé. D’autres croient que ces Chanoines Réguliers sont inférieurs aux Chanoines séculiers, à cause des vœux auxquels ils se sont assujettis : en sorte qu’ils doivent plutôt être comme des Religieux, que comme faisant partie du corps du Clergé. On met pourtant quelque différence entre les Chanoines Réguliers, & les Moines. La principale est que les premiers, par leur état, sont appelés au soin des âmes : & les autres seulement à leur propre sanctification. Ils ont cela de commun qu’ils ne peuvent plus ni hériter, ni tester ; mais que leur Communauté est leur héritière naturelle. Les Chapitres d’Usez & de Pamiers étoient encore, il n’y a pas long-temps, composés de Chanoines Réguliers, comme l’ont été autrefois ceux de quelques autres Cathédrales.

Saint Bernard fut très-favorable aux Chanoines Réguliers, dont il fait souvent l’éloge. Il les préféra aux autres Chanoines, pour ce qui étoit des fonctions ecclésiastiques. Aussi, nonobstant différentes observances régulières auxquelles ils se sont assujettis, & quoiqu’en vertu de leurs vœux ils soient véritablement Religieux, que plusieurs d’entr’eux vivent en Congrégation, ils se sont pourtant maintenus dans la possession des bénéfices à charge d’ames. Tout le Droit Canonique leur est favorable en cela, parce qu’étant Clercs par leur origine & par leur état, ils jouissent des droits essentiels attachés à la cléricature : lorsque les Conciles ont exclu les Moines Bénédictins de certaines Cures, quoiqu’ils ne les crussent point incapables par leur profession du gouvernement des ames, ils y ont conservé les Chanoines Réguliers, qui depuis environ 200 ans, sont devenus presque par-tout titulaires de leurs bénéfices, comme les séculiers.

Il parut en 1699 à Paris une Histoire des Chanoines, ou Recherches Historiques sur l’Ordre Canonique, par le P. Chaponel, Chanoine Régulier. Il y a un Livre intitulé, De Canonicorum Ordine Disquisitiones, dont le but principal est de montrer la différence que l’on a toujours mise dans l’Eglise entre les Moines & les Clercs, ou les Chanoines Réguliers, dont il établit d’abord l’antiquité ; sur quoi il distingue quatre sentimens. Le premier, qui est nouveau, selon cet Auteur, & que notre siècle a, dit-il, produit, veut que l’Ordre des Chanoines Réguliers n’ait commencé que dans le onzième siècle. Le second le fait remonter jusqu’au temps de Louis le Débonnaire & au Concile d’Aix-la-Chapelle tenu sous cet Empereur. Le troisième en attribue l’institution à S. Augustin. Le quatrième suppose qu’ils sont, quant à leur manière de vie, les successeurs des Apôtres & des premiers Clercs de l’Eglise. C’est ce dernier sentiment que l’Auteur de cet ouvrage embrasse, après avoir tâché de réfuter les autres, & de montrer en particulier, que S. Augustin n’est pas le premier qui ait institué des Chanoines Réguliers, pas même en Afrique ; & il prétend qu’à considérer les trois états différens dans lesquels vivent les Chanoines Réguliers en communauté, en particulier, dans des Paroisses, ou bien attachés à des Eglises séculières dans lesquelles ils ont des prébendes, leur vie ne peut passer que pour une institution apostolique, & une suite, une imitation de la manière de vie des premiers Clercs établis par les Apôtres. L’Auteur de l’Histoire des Chanoines est dans la même opinion, & tâche de montrer cette descendance.

Les Chanoines Réguliers ont eu de tout temps des contestations au sujet de la préséance au-dessus des Moines, qu’ils prétendent, comme fondés par les Apôtres, & faisant partie du Clergé. Pie V, par une bulle de l’an 1564, ordonna que les Chanoines Réguliers de Latran, qui est la première Eglise de Rome, précéderoient les Moines du Mont-Cassin ; mais les autres Chanoines Réguliers sont précédés à Rome dans les cérémonies par les Bénédictins, les Camaldules, les Religieux de Citeaux, ceux de Vallombreuse, les Feuillans, &c.

L’habit des Chanoines Réguliers dans le XIIe siècle étoit une aube, qui a depuis été changée en rochet, ou en surplis, & en tout temps une chape fermée, à laquelle a succédé l’aumusse pour l’été, & la chape ouverte en hiver. L’usage des bonnets