Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/533

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
525
CHE

France sous la Ie race, c’étoit le déclarer déchu de la succession à la couronne, & le réduire à la condition de sujet. P. Daniel, T. I, p. 83.

Dans le onziéme siècle, ceux qui se piquoient de bonne grace, laissoient croître leurs cheveux, qui leur descendoient jusques à la ceinture par grosses boucles. Godefroi Evêque d’Amiens y trouva de l’indécence & de la mollesse. Il refusa le jour de Noël la communion à ceux qui se présentoient ainsi à la sainte Table, & rejeta leurs offrandes, ce qui les obligea à faire couper leurs cheveux sur le champ ; & la coutume cessa. ☞ Les Courtisans & les Seigneurs qui accompagnoient Robert, Comte de Flandre, qui étoit venu célébrer la Fête de Noël à S. Omer, & qui avoit prié l’Evêque d’Amiens de lui dire la messe de minuit, coupèrent à l’instant leurs cheveux les uns avec des ciseaux, les autres avec leurs couteaux, & même avec leurs épées, de peur, disoient-ils, d’être privés de la bénédiction d’un si Saint Evêque.

Dans le VIII siècle, les personnes de qualité faisoient couper les premiers cheveux à leurs enfans par d’autres personnes qualifiées, qui étoient appelées pour cela les peres spirituels de ces enfans. Ainsi Charles Martel envoya son fils Pepin à Luitprand, Roi des Lombards, afin qu’en lui coupant les cheveux, selon la coutume, il devînt son pere spirituel. Cette coutume étoit plus ancienne. L’Empereur Constantin envoya au Pape les cheveux de ses fils Justinien & Héraclius, pour lui témoigner, selon la coutume de ce temps-là, qu’il desiroit qu’il leur tînt lieu de pere, & qu’eux lui obéissent & l’honorassent comme ses enfans. C’étoit un témoignage bien authentique du respect qu’il portoit au Pape. Godeau.

On attribue au Pape Anicet la défence pour les Clercs de porter de grands cheveux ; mais elle est plus ancienne dans les Eglises d’Occident ; & l’Epitre où ce Décret se lit aujourd’hui, a été écrite long-temps après la mort de ce Pape. La tonsure Cléricale est rapportée par S. Isidore de Séville à la Tradition Apostolique, en quoi il est suivi par plusieurs Auteurs.

Les cheveux longs ont été si odieux autrefois, qu’il se trouve un Canon de l’an 1096, portant que ceux qui auront de longs cheveux ; seront exclus de l’entrée de l’Eglise pendant leur vie, & qu’on ne priera point Dieu pou eux après leur mort. Nous avons dit ci-dessus ce que fit un Evêque d’Amiens. Luitprand a fait une furieuse déclamation contre l’Empereur Phocas, qui portoit de longs cheveux, comme les Empereurs d’Orient ; à la réserve de l’Empereur Théophile, qui étant chauve, crut effacer cette opprobre de dessus sa tête, en ordonnant à ses sujets de raser leurs cheveux, pour ôter la différence qui le choquoit. S. Paul, en recommandant aux femmes le soin de leurs cheveux, ajoute à l’égard des hommes, qu’il est contre nature de les nourrir. On ne comprend pas bien la raison de ces défenses, de porter des cheveux ; puisqu’ils paroissent un des plus beaux ornemens de l’homme, & non pas une superfluité de la nature. Sans doute que la nature dans le passage de S. Paul signifie la coutume. En 1650, un Professeurs d’Utrecht agita la question, s’il est permis aux hommes de porter de longs cheveux. Un Théologien, nommé de Reves, qui avoit écrit pour l’affirmative, lui repliqua. Pasquier dit qu’en son jeune âge tout le monde portoit de longs cheveux, à la réserve des Moines. Le Roi François I. ayant commencé à porter des cheveux courts, pour la raison rapportée ci dessous, les Prêtres mêmes se firent tondre : ce qui eût été auparavant de mauvais exemple, comme dit le même Auteur. L’offre qu’ils font à Dieu de leur cheveux, quand ils font des vœux, est une marque qu’ils se donnent à lui en perpétuelle servitude.

Les cheveux longs furent donc à la mode sous la première race de nos Rois. Le Roi les portoit très-longs, ses parens de même, & la Noblesse à proportion de son rang & de sa naissance. Le peuple étoit plus ou moins rasé. L’homme serf l’étoit tout-à-fait ; l’homme de pote ou poeste ; c’est-à-dire, l’homme payant tribut, ne l’étoit pas entièrement. Pepin & Charlemagne méprisèrent les cheveux longs. Charlemagne les portoit courts, sont fils encore plus : Charles le Chauve n’en avoit point. On commença sous Hugues Capet à les porter un peu plus long. Cela déplut aux Ecclésiastiques : on excommunia ceux qui laissoient croître leurs cheveux. Pierre Lombard en fit si grand scrupule à Louis le Jeune, que ce Prince fit couper les siens. Les autres Rois, jusqu’à Louis XIII, ne les ont porté que fort courts. Les cheveux de S. Louis, de Charles V, de Louis XII, tels qu’on les voit dans leurs portraits, & sur leurs médailles ou monnoies, ne passent pas le milieu du cou. François I, ayant été blessé à la tête par Montgommeri, les Médecins lui firent couper les cheveux. Sur son exemple tous ses sujets quittèrent leur chevelure ; chacun porta longue barbe, & fit couper ses cheveux : ce qui auparavant étoit une ignominie. Pasq. Sous Louis XIII, la mode changea ; comme il aimoit fort les cheveux, on lui fit plaisir de les porter longs. Le Gendre. Voyez aussi Thiers, Traité des Perruques. L’an 1460, le Duc de Bourgogne fut si grièvement malade, que l’on désespéra de sa santé ; pour laquelle assurer, les Médecins lui conseillèrent de permettre que sa longue perruque lui fût abattue. Ce qu’ayant été fait, tous les Courtisans, (sauf le Prince & quelques grands Seigneurs) & le peuple en firent autant, & fut mis en usage de ne porter les longs cheveux. Gollut. Mem. de Bourg. L. X, c. 81.

Cheveu, sert de comparaison à toutes les choses déliées. Ce fil, cette soie, sont déliés comme des cheveux. Cette aiguille, cette ligne, sont comme des cheveux.

On dit, qu’une femme est coëffée en cheveux, lorsqu’elle a seulement ses cheveux arrangés, ou entortillés autour de la tête, & qu’elle n’a ni bonnet, ni coëffe qui les cache. En Grece, & sur-tout à Lacédémone, les filles laissoient pendre leurs cheveux, & flotter au gré du vent. Les femmes au contraire les nouoient négligemment par derrière.

On appelle faux cheveux, ceux qui ne tiennent point à la tête, mais qui y sont appliqués en tresses, tours, coins ou perruques. Mentiti, falsi, adscititii capilli. On a remarqué que les Grecs apprirent aux Romains l’usage des faux cheveux, & à se servir de cet ornement emprunté.

On dit aussi des cheveux de Cour, pour dire, de faux cheveux ; mais c’est seulement dans le style comique & burlesque. On le trouve dans ce sens dans quelques Comédies modernes.

On appelle cheveux vifs, les cheveux arrangés dans les perruques de la maniere qu’ils l’étoient sur la tête de la personne vivante, sur laquelle ils ont été coupés à ce dessin, Vivi capilli ; & on les appelle firsé naturellement, quand ils étoient frisés, bouclés ou annelés auparavant que d’être coupés, capilli crispi, cirrati.

On appelle un toupet de cheveux, une poignée de cheveux, ce qui croît ou ce qu’on laisse en quelque endroit de la tête, Cirri. Les Tartares & les Chinois se rasent les cheveux, à la réserve d’un petit toupet qu’ils laissent croître au derrière de la tête.

Les Poëtes appellent le Soleil, Phœbus aux bonds cheveux. Crinibus aureis, & se servent du mot de cheveux gris & cheveux blancs, pour marquer la vieillesse, Cani’. Ozius déshonora ses cheveux gris par sa chûte. Herman. Ainsi Malherbe a dit :

Les ridicules avantures
D’un amoureux en cheveux gris.

Et Corneille,

Touche ces cheveux blancs à qui tu rends l’honneur

Rafraîchir les cheveux, c’est en couper les extrémités pour en hâter l’accroissement ; faire les che-