Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/535

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
527
CHE

villés, quand ils sont chargés de plusieurs mots inutiles, & qui ne servent que pour la mesure, ou pour la rime.

Que dites-vous des ces vers chevillés,
De ces discours obscurs, entortillés ? R.

☞ En termes de Venerie, une tête de cerf bien chevillée, qui a beaucoup d’andouillers bien rangés. On le dit de même du daim, du chevreuil.

Chevillé, en termes de Blason, se dit des ramures d’une corne de cerf ; & quand on veut exprimer le nombre de cornichons ou dagues, qui sont dans un bois de cerf peint sur un écu, on dit chevillée de tant de cors. Cornu cervinum ramulis distinctum. Le Baron d’Hona porte d’azur à deux bois de cerf posés en sautoir, chaque branche chevillée de six pièces d’argent.

On dit proverbialement & figurément d’un homme qui, malgré son grand âge, résiste à de grandes maladies, qu’il a l’ame chevillée dans le corps.

CHEVILLETTE. s. f. Terme de Relieur. C’est un petit morceau de cuivre plat & troué, qu’on met sous le cousoir, & où l’on attache les nerfs des livres qu’on coud. Claviculus.

☞ CHEVILLOIR. s. m. Instrument du métier des étofes de soie, dont on se sert pour mettre les soies en main, c’est-à-dire, d’usage, quand il s’agit de séparer les différentes qualités dont un ballot est composé, & de les assembler pour en former des pantines. Encycl.

CHEVILLON. s. m. Terme de Tourneur. Petit bâton tourné, que les Tourneurs mettent au dos des chaises de paille. Claviculus torno factus.

Chevillon. Terme de Ferrandinier. Bâton de deux piés de long, sur lequel on lève la soie de dessus l’ourdissoir.

CHEVILLOTS. s. m. Terme de Marine. Petits morceaux de bois tournés, qui servent à langer les manœuvres le long des côtes du vaisseau.

CHEVILLURE. s. f. Terme de Vénerie. Petites pointes ou cornichons qui sortent des perches du serf. Cervini cornu ramuli.

CHEVIR. v. n. Etre maître de quelqu’un, de quelque chose, venir à bout de quelqu’un, lui faire faire ce qu’on veut. Flectere, vincire, adducere aliquem quò velis. Cet Artisan a tant de besogne, qu’on ne sauroit chevir de lui. Cet enfant est si mutin, qu’il n’y a que sa nourrice qui puisse chevir de lui. Ce mot n’est en usage que parmi le peuple. On écrivoit autrefois chesvir. Autrefois le mot de chevir vouloit dire traiter, composer, capituler : on le trouve en ce sens dans les Coutumes. Voyez le grand Coutumier. Beaumanoir l’emploie dans un autre sens : dans cet Auteur, il veut dire, nourrir. Si comme chil qui ne sont pas de leur Quemune ou Gentilshommes, liquel ne s’entremettent de marchander, ainchois se chevissent de leur hiretage. Beaum.

Chevir, en termes de Palais, signifie aussi, traiter, composer. Mutuo pacisci, conventis & pactis mutuis rem decidere. Dans toutes les transactions après avoir expliqué le différent, on ajoute. Les parties en ont chevi, composé & transigé ainsi qu’il s’ensuit. Ce mot, aussi bien que celui de chevisance, qui signifioit composition, vient de chef, comme qui diroit, mettre à chef.

Chevir signifioit aussi, sortir d’une affaire, en venir à bout. Quelquefois simplement, sortir. Gloss. sur Marot.

CHEVISANCE. s. f. Vieux mot. Traité, accord fait avec quelqu’un au sujet de quelque différent, quelque dette ou obligation. Pactum, transactio, conventio. Beaumanoir use quelquefois de ce mot pour celui de chevance.

CHEVISSEMENT. s. m. chevisance, accord que l’on fait avec quelqu’un. Pactio, conditio. Les statuts de l’Ordre de Malte distinguent des Commanderies de grace & des Commanderies de chevissement ; ce sont, je crois, les Commanderies que l’on donnoit à des Chevaliers par accord, à condition qu’ils rendroient & envoieroient une certaine somme au trésor commun.

Chevissement vient de l’ancien mot françois, chevir, qui signifioit se charger d’une entreprise dont on espéroit venir à bout. On appelle Commanderie de chevissement, la première Commanderie qu’on obtient, par le rang de son ancienneté.

CHÈVRE. s. f. Capra, capella. C’est la femelle du bouc. On se sert de poil de chèvre pour faire des chapeaux, & des camelots : de leur lait, pour faire des fromages ; & même quelques pauvres gens en mangent la chair. Varron assûre que les chèvres sont mal-saines, & qu’elles ont toujours la fièvre. Il est certain du moins que par la plûpart des Coutumes de France, il y a une prohibition perpétuelle de laisser aller les chèvres dans les champs, ou dans les prairies d’autrui, & qu’elles sont toujours en deffends. ☞ Il faut sur-tout écarter cet animal des arbres auxquels il porte un dommage considérable en les broutant. Varron soutient que ce mot a été dit a capra, comme carpa, de carpere, brouter. Les Mendésiens, & les habitans de la ville de Copte en Egypte adoroient les chèvres, ceux-ci parce qu’elles étoient le divertissement d’Isis. Vossius, de Idol. L. III, c.4’ 74.

Hérodote dit qu’on révéroit à Mendès une chèvre sur-tout, à la mort de laquelle on faisoit un grand deuil. Pendant qu’à Mendès on avoit de la vénération pour les chèvres, & qu’on n’y immoloit que des brebis, dans la Thébaïde au contraire, les victimes ordinaires étoient les chèvres, & on y respectoit les brebis. La chèvre étoit consacrée à Jupiter, à cause de la chèvre Amalthée qui fait la constellation de la chèvre.

Chèvre se dit proverbialement en ces phrases : prendre la chèvre, c’est se fâcher, se mettre en colère légèrement : c’est la même chose que, se cabrer, qui vient aussi du mot de chèvre.

D’un mari sur ce point j’approuve le souci,
Mais c’est prendre la chèvre un peu bien vîte aussi.

Mol.

Chèvre est aussi une machine dont se servent les Architectes, & Charpentiers, pour élever des pierres & des poutres. Capreolus. Elle porte de plus gros fardeaux que la grue, parce qu’elle n’a pas le bec si long. La figure de sa base est triangulaire, & est appuyée par deux bras & un ranchet ou une troisième jambe, qui en soutiennent le poinçon. A l’endroit où ces trois pièces se joignent, est pendue une poulie avec ses mouffles, dans lesquelles est passé un cable qui lève ce que l’on veut par le moyen d’un treuil ou tour, qui se meut avec des leviers passés à travers, & qui est appuyé sur les deux jambes de la chèvre. Il y a aussi des pinces de fer qu’on appelle piés de chèvre. Columelle l’appelle Capreolus.

Chèvre, chez les Charrons, est un outil qui sert pour lever le train de derrière d’un carrosse, pour en graisser les roues plus facilement.

Chèvre de Guideau, terme de Pêche. Ce sont les pieux sur lesquels on pose le rest ou sac de Guideau.

On donne aussi le nom de chèvre, dans les Salines de Lorraine, particulièrement dans celles de Moyenvic, à une espèce de grande table de bois sur laquelle les Sauniers dressent leurs meubles de sel à mesure qu’il se fait, & qu’ils le tirent du fond de la chaudière avec des rateaux.

On dit proverbialement. On ne peut pas sauver la chèvre & les choux ; pour dire, qu’on ne peut pas mettre une affaire à l’abri de toutes sortes d’inconvéniens, ni se ménager avec tout le monde. On dit aussi des choses qui n’ont aucune liaison ensemble, cela s’entretient comme crottes de chèvre. On dit encore, que là où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute ; pour dire, qu’il