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soit remonter qu’aux derniers Ducs de Bourgogne ; mais dans l’Eglise de Saint Pierre à Aire on lit sur une vitre ce chronogramme : bIs septeM præbendas, wbaLdVIne, dedisti ; qui marque l’année 1062. MLVVII, ou MLXII. Le D n’étoit point encore lettre numérale. Elle ne l’étoit pas même en 1465, au temps de la bataille de Montlhéri, comme il paroît par ce chronographe françois qui marque cette année là : à CheVal, à CheVal, gensdarmes, à CheVaL, ni même en 1485 comme une autre chronographe françois le montre. Il y a des chronographes moraux, des chronographes sententiaux, il y en a de purs chronologiques.

Ce mot vient de χρὼνος, temps, & de γράφω, j’écris. La première fois que l’on trouve ce mot employé en ce sens, est au chronographe qui fut fait pour l’élection d’Etienne, Roi de Pologne, en 1576. Avant ce temps-là, & même après, on les appeloit Vers numéraux ou numéraires.

Il y a une Dissertation Analytique sur les chronographes, imprimée à Bruxelles en 1718. On écrit ces lettres numérales en caractère plus gros deux ou trois fois que le reste du contexte, afin de les distinguer plus facilement. Ces lettres sont les M, les C, les L, les X, les V, & les I. On dit des Vers chronographes, une Inscription chronographe, une Epitaphe chronographe. Celle-ci est celle où toutes les lettres que je viens de citer, qui entrent dans sa composition, étant additionnées, marquent l’année de la mort de celui pour qui on l’a faite, & ainsi des autres pièces. Ce mot dans tous les exemples ci-dessus est adjectif ; mais il est substantif lorsqu’on dit absolument un chronographe. Les chronographes ne sont pas toujours en vers, ils sont quelquefois en prose, & ce sont les meilleurs ; car on est trop gêné dans le choix des mots qui n’aient que les lettres numérales nécessaires, pour qu’on en puisse aisément faire de bons en vers.

Chronographe. s. m. Auteur qui a écrit sur la Chronologie. Chronographus, a. Eratosthenes, Julien l’Africain, Eusèbe, Syncelle, sont d’anciens Chronogaphes. Scaliger, le P. Pétau, Jésuite, sont de savans Chronographes.

CHRONOGRAPHIE. s. f. C’est la même chose que Chronologie. En grec χρόνος (chronos) signifie temps, & γράφω (graphô), j’écris. C’est de-là que viennent chronographe & chronographie.

CHRONOLOGIE. s. f. Doctrine des temps, science des époques ; & entr’autres des supputations qui regardent le Comput Ecclésiastique. Chronologia, Descriptio temporum, Rationarium temporum. La Chronologie a soin de marquer les jours & les années, où les plus grands événemens sont arrivés. Africain composa au commencement du IIIe siècle un grand ouvrage de Chronologie ; pour servir à la controverse contre les Payens : il la conduisoit depuis le commencement du monde jusqu’au Consulat de Gratus & de Séleucus sous Macrin, l’an de Jésus-Christ 221. Nous n’en avons que ce qu’Eusèbe & Syncelle nous en ont conservé dans leurs ouvrages. Scaliger, le Pere Pétau, la Peyrere, Gauthier, Séthus Calvisius, Ussérius, le P. Hardouin Jésuite, les deux Capelles, le Chev. Marsham, le P. Gourdon Jésuite, Ubbo Emmius, le P. Labbe Jés. le P. Riccioli, Jés. &c. ont écrit de la Chronologie. La Chronologie du P. Pétau est la plus sûre & la plus nette que j’aie encore vûe. Vign. de Marv.

La chronologie est la fixation des événemens arrivés dans le monde, à des époques ou dates certaines. Elle comprend deux choses : 1o Il faut avoir un enchaînement & une suite d’évenemens, qui tous liés, & si j’ose m’exprimer ainsi, emboëtés les uns dans les autres, montrent le nombre d’années qu’il y a depuis la création jusqu’au terme qu’on s’est proposé. Chacun de ces événemens, qui tiennent ainsi l’un à l’autre, est ce qu’on appelle époque. 2o. Tous les autres faits qui n’entrent point dans cette suite, & qui ne forment point ces enchaînement, doivent au moins y tenir par quelque endroit : de sorte que ces premiers événemens, liés comme le tronc de l’arbre qui s’éleve depuis la terre jusqu’au sommet sans interruption ; ceux-ci en sont comme les branches qui, sans être attachées entr’elles, tiennent toutes par un endroit au tronc de l’arbre.

Les époques ou les faits qui, liés ensemble dans la chronologie suivante, forment la suite dont j’ai parlé, & comme le tronc de l’arbre, & déterminent le nombre des années du monde, sont 1. la création du monde, 2. le déluge, 3. l’année 75e d’Abraham & son entrée dans la Terre de Chanaan, 4. la sortie d’Egypte lorsque Moïse en tira les Hébreux, 5. la fondation du Temple de Salomon, 5. la destruction de ce Temple, & le commencement de la captivité de Babylone, 7. la première année de Cyrus à Babylone & le retour de la captivité, 8. la conquête d’Alexandre ou la bataille d’Arbelle, 9. le commencement de l’ere des Séleucides, 10. la retraite de Mathathias, & le commencement du gouvernement des Machabées, 11. le Consulat de Ciceron, sous lequel Jérusalem fut prise par Pompée, & Auguste vint au monde, 12. la mort d’Auguste, & le commencement de l’Empire de Tibere, 13. la quinzième année de Tibere, trentième de J. C. commençante, d’où s’ensuit l’année de la naissance de J. C. 14. enfin le commencement de l’ere Chrétienne. Telles sont les époques par la liaison & l’enchaînement desquelles je prouve le nombre des années qu’il y a depuis Adam jusqu’à nous, & que l’année 1726 de J. C. est la 5746e du Monde, & 1743e de J. C. la 5763 du Monde.

Quand une fois on a bien établi la suite des époques, le reste s’arrange plus aisément. C’est une espèce de cadre dans lequel tous les autres événemens s’enchâssent sans peine & presque sans difficulté, & où ils viennent se placer comme d’eux-mêmes. Par-là non-seulement ils se soûtiennent les uns les autres, mais ils affermissent même la première suite, & en deviennent de nouvelles preuves. P. E. Souciet, Dissert. V, II. Préf.

Il est certain que quand on étudie l’histoire de l’antiquité, ou quand on lit quelque ancien Auteur, rien n’est plus nécessaire que d’avoir devant les yeux la suite des temps & des principaux événemens, rangés selon l’ordre des siècles & des années dans lesquelles ils sont arrivés ; & de pouvoir y rapporter ce qu’on étudie & ce qu’on lit, le placer au temps où il s’est passé, & voir d’un coup d’œil l’état du monde en ce temps-là. Ce secours rend les lectures plus agréables & plus utiles ; il remédie à la confusion qu’elles produisent quelquefois ; on voit mieux les causes, les principes, les liaisons des événemens ; ils s’arrangent bien mieux dans la mémoire, on les apprend plus facilement, & on les oublie moins. Id.

Ces raisons nous ont fait juger que l’on ne seroit point fâché de trouver ici cet abrégé, &, pour m’exprimer avec l’Auteur, ce cadre de chronologie, pour y rapporter ses lectures, & qu’un Dictionnaire des Sciences & des Arts ne devoit point manquer de ce secours.