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lui de maîtresse ; mais qu’enfin le Vulgaire en France avoit confondu ces deux noms, faute d’entendre ce que c’étoit que le concubinage, quoiqu’il soit encore fort en usage en quelques endroits, où il s’appelle le demi-mariage, & en d’autres mariage de la main gauche. Cordemoy. C’étoit un vrai mariage ; mais qui se faisoit sans solennités, par lequel la femme portoit le nom de concubine, & non pas celui d’épouse, faute de dot, ou de naissance. P. Dan. T. I, p. 772.

CONCUBINAIRE. s. m. Qui vit avec une concubine. Qui concubinam habet, concubinus. Il y a un titre dans le Droit contre les concubinaires publics, qui les prive de leurs Bénéfices. Le Saint (François Xavier) agissoit avec les concubinaires, à peu près comme faisoit Jesus-Christ avec les Publicains & avec les femmes débauchées. Bouh.

CONCUBINE. s. f. Femme qui vit conjugalement avec un homme, sans qu’il soit marié avec elle. Concubina. La femme est un nom de dignité, la concubine est un nom de volupté, dit la Loi. Les Patriarches avoient plusieurs femmes, qui ne tenoient pas le même rang ; il y en avoir de subalternes, & de subordonnées à la femme principale : c’étoient des concubines ou des demi-femmes, si l’on veut se servir d’un nom plus honorable. S. Evr. Les Romains ont prohibé la pluralité des concubines, & n’ont considéré que les enfans sortis d’une seule & une même concubine, parce qu’elle pouvoit devenir une femme légitime. Autrefois le nom de concubine n’étoit point infamant, sur-tout quand elle n’avoit commerce qu’avec un seul homme. Salomon avoit 700 femmes & 300 concubines, III. Reg. cap. 11. L’Empereur de la Chine a quelquefois jusqu’à deux ou trois milles concubines dans son Palais. Nouv. Rel. Darius se fit suivre à l’armée par 365 concubines, & toutes en équipages de Reines. Vaug. Alexandre eut tant d’affection pour Apelles, qui étoit son Peintre, qu’il lui donna Pancaste, la plus belle & la plus chérie de ses concubines, parce qu’il avoit remarqué qu’Apelles en étoit devenu amoureux. Du Rier.

Concubine, femme véritable, légitime & unique, mais de moindre condition que celui qui l’épouse ; ou d’une condition trop basse pour lui & peu sortable ; & à cause de cela épousée par un de ces mariages, que nous appelons mariages de conscience, lesquels enferment les mêmes obligations que les autres, & n’en diffèrent que par le nom & la qualité de la femme, qu’on ne donne point à la concubine. Concubina. Du Cange dit qu’on peut recueillir en plusieurs endroits des Epitres des Papes, que les concubines ont été autrefois tolérées. Ce qui se doit entendre des mariages de conscience, dont on vient de parler. Le 17e Canon du premier Concile de Tolède, porte que celui qui, avec une femme fidèle, a une concubine, est excommunié ; mais que si la concubine lui tient lieu d’épouse, de sorte qu’il n’ait qu’une seule femme, à titre d’épouse ou de concubine, à son choix, il ne sera point rejeté de la communion. Ce qui montre qu’il y avoit des femmes légitimes & uniques, que l’on nommoit concubines ; & véritablement les Loix Romaines ne permettoient pas à tout homme d’épouser quelque femme que ce fût, il falloit qu’il y eût de la proportion entre les conditions ; mais la femme d’une condition inférieure au mari, qui ne pouvoit être épouse, pouvoit être concubine, & les Loix le permettoient, pourvû que l’on n’eût point d’autre femme que la concubine ; c’est-dire, que quand un homme se vouloit marier, il pouvoit choisir une épouse ou une concubine ; mais il ne pouvoit avoir en même temps une épouse & une concubine. Les enfans des concubines n’étoient réputés ni légitimes, ni bâtards, mais enfans naturels, capables seulement de donations. Ce qui se doit entendre des Loix Romaines, qui n’avoient pas lieu parmi les François.

Clovis avoit eu Thierri d’une femme qu’il n’avoit pas tenu en qualité de Reine, mais seulement pour concubine, suivant la coutume de se temps-là, où ces sortes de sociétés, pour être moins honorables, n’en étoient pas moins légitimes, ni les enfans qui en provenoient moins capables de succéder, quand les pères le vouloient, du moins parmi les Francs ; car encore que les Loix Romaines ne regardassent pas les enfans nés de cette sorte comme bâtards, elles ne leur donnoient pas le droit de succéder. Cordem. Ces mariages étoient ce que nous appelons épouser de la main gauche, usage commun encore aujourd’hui en Allemagne. Le Moine Jonas a écrit, dans la vie de S. Colomban, que les quatre fils de Théodoric n’étoient pas nés d’un mariage légitime ; & il est vrai que Théodoric les avoir eus d’une concubine : mais il est vrai aussi que le concubinage, dont le nom est maintenant odieux, parce qu’on en abuse, étoit alors une espèce de mariage, qui, pour être moins solennel, n’étoit pas moins indissoluble par les loix de l’Eglise que le mariage ordinaire. Id. Si l’on considère que le mot de concubine signifioit une femme mariée avec honneur, & de qui le mariage, quoique fait avec moins de formalités que celui qu’on appeloit solennel, ne laissoit pas d’être valable ; on verra qu’on ne doit pas regarder les concubines de Charlemagne comme des maîtresses. Id. Voyez Concubinage.

Concubine, dans l’Antiquité, se prend aussi souvent dans le mauvais sens qu’il a parmi nous, c’est-à-dire, pour une fille ou une femme avec qui l’on a un mauvais commerce sans mariage. S. Léon dit, dans sa Lettre à Anastase de Thessalonique, qu’il faut distinguer la concubine de la femme légitime ; que celui qui quitte sa concubine pour se marier fait bien ; & que celle qui épouse un homme qui avoit une concubine, ne fait point mal, puisqu’il n’étoit point marié. Il faut distinguer tous ces sens qui se trouvent dans nos Historiens Ecclésiastiques & autres.

Tous ces mots, concubinage, concubinaire, concubine viennent du latin concubina, concubinæ, qui vient de concubare, coucher avec.

Concubine. Terme de Fleuriste. Tulipe colombin & blanc. Morin,

CONCUEILLIR. v. a. On trouve ce mot dans quelques vieux Auteurs, pour dire, diriger, ramasser, conduire à un terme, à une fin.

☞ CONCUPISCENCE. s. f. C’est en général une passion déréglée de posséder quelque chose ; un penchant inhérent à l’homme depuis sa chute qui le porta au mal. Concupiscentia. Il est défendu par le Xe Commandement de la Loi de Dieu, d’avoir de la concupiscence pour le bien de son prochain, ni pour son bœuf, ni pour son âne. Il faut bien remarquer la pente de la concupiscence, pour la diminuer par le retranchement de tout ce qui la peut fortifier. Nicol. Aimer Dieu par rapport à notre félicité propre, c’est l’aimer d’un amour de concupiscence. Fen.

☞ On le dit plus particulièrement du penchant que nous éprouvons pour les plaisirs illicites, qui nous entraîne à l’amour deshonnête, que S. Jean appelle la concupiscence des yeux, la concupiscence de la chair. La concupiscence, qui est l’effet du péché originel, sollicite sans cesse l’ame au péché. Avec quelles pointes & quels aiguillons ne savons nous pas réveiller la concupiscence endormie & languissante ? Balz.

Quoique ce mot se prenne ordinairement au mauvais sens dogmatique, cependant il a un sens plus étendu, & de soi indifférent. La concupiscence, en ce sens & en général est le penchant, l’inclination naturelle vers le bien sensible. Cette inclination de soi n’est point mauvaise : elle est bonne, & a été donnée à l’homme pour la conservation de sa nature. Mais l’objet de cette inclination, le bien sensible auquel elle se porte est quelquefois défendu, & quelquefois permis. Quand elle se