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CON

sont toujours contraires l’un à l’autre, d’un parti opposé.

☞ On dit en ce sens, avoir le vent contraire, adverso uti vento, lorsqu’il est opposé à la route qu’on veut tenir, qu’il n’est pas favorable à la navigation ; & avoir la fortune contraire, quand elle ne nous favorise pas.

Contraire, dans la signification de nuisible, préjudiciable. Noxius, nocens, nocivus, infestus. Il y a des alimens contraires à certains tempéramens. L’usage du vin est contraire à certaines personnes, & salutaire à d’autres. Presque tous les remèdes sont contraires à la poitrine. Tout excès est contraire à la santé.

☞ En Jurisprudence on appelle faits contraires, des faits opposés les uns aux autres, comme quand le demandeur & le défendeur prétendent qu’ils ont, l’un à l’exclusion de l’autre, la propriété d’une chose. On dit que les parties sont appointées en faits contraires, quand on leur permet de faire preuve respective de leurs faits. Contredits en faits contraires, les écritures qui contiennent ces preuves.

☞ On dit encore défenses au contraire, quand on se réserve à alléguer en temps & lieu des raisons contraires aux prétentions d’une autre personne.

☞ En logique, on appelle propositions contraires, celle qui ne sont point opposées en quantité, c’est-à-dire, par rapport à leur étendue (Voyez Étendu), mais seulement en qualité, c’est-à-dire, par rapport à l’affirmation & à la négation. Par exemple, tous les hommes sont justes ; nul homme n’est juste. Deux propositions contraires peuvent être toutes les deux fausses, mais ne sauroient être toutes les deux vraies. Elle diffèrent des propositions contradictoires. Voyez ce mot & opposition des propositions.

Contraire s’emploie aussi substantivement pour signifier une chose opposée. Vous faites le contraire de ce que vous avez promis. Contra ac, contra atque, contra quam promiseras'. Vous soûtenez cela ; je soûtiens le contraire. Contraeo. Je vous prouverai le contraire quand vous voudrez. La raison humaine est si foible, qu’elle croit également les deux contraires. Contrarias partes amplecti.

☞ On dit familièrement, aller au contraire d’une chose, s’y opposer, contredire. Puisque vous voulez partir, personne n’ira au contraire.

Contraires, en termes de l’École, se dit dans une signification plus précise des qualités qui sont directement opposées sous un même genre, qui ne sauroient être ensemble dans le même sujet, qui s’en excluent mutuellement, comme le froid & le chaud, le sec & l’humide, le dur & le fluide, &c. le froid & le chaud sont deux contraires. Calor & frigus sunt duo contraria. Le feu est le contraire de l’eau. Ignis aquæ pugnax.

Contraire, en ce sens, est un terme Dogmatique, qu’on emploie en Théologie, au Palais, en Philosophie, en Rhétorique. Par la raison des contraires. A contrario. Puisque les gens de bien sont sauvés, par la raison des contraires, les libertins seront damnés. Si les corps dont la superficie est âpre & rude ne renvoient point de lumière, les corps polis doivent par la raison des contraires la réfléchir. Si un pere deshérite ses enfans lorsqu’ils l’ont outragé, on doit présumer par la raison des contraires qu’il ne l’a pas fait, s’ils ne lui ont jamais manqué de respect. Le Pere Bourdaloue a employé avec succès dans ses sermons cette manière de prouver par la raison des contraires.

Contraire, (Au) adv. tout autrement, d’une manière opposée, Vous direz qu’il étoit parti ; au contraire, il passera ici l’Eté. Tant sans faut que cela soit comme vous le dites, qu’au contraire, &c. Tantim ab est ut e contra.

CONTR’APPLÉGEMENT, s. m. terme de Coutumes, c’est une opposition aux applégemens, ou complaintes de celui qui veut rentrer en possession d’un héritage.

CONTR’APPLÉGER, terme de Coutumes, c’est de la part d’un homme saisi d’un héritage dont il jouit, s’opposer aux complaintes de celui qui veut rentrer dans l’héritage.

☞ CONTRARIANT, ANTE, adj. qui est d’humeur à contrarier, à dire ou faire le contraire de ce que les autres disent ou font. Dissentiens ab aliis, repugnax. Esprit contrariant. Humeur contrariante.

☞ On décide dans le grand vocabulaire que ce mot s’emploie aussi substantivement. Ce contratiant la persécute. N’en croyez rien, si vous voulez parler correctement.

Contrariant a une signification plus étendue que contredisant. Il paroît aussi marquer un peu d’humeur.

☞ En Angleterre on appelle contrarians ceux qui prirent parti avec le Comte de Lancastre contre le Roi Edouard II. Le crédit dont ils jouissoient fit qu’on n’osa leur donner le nom de rebelles.

CONTRARIER, v. a. dire ou faire le contraire de ce que les autres disent ou font. Adversari, repugnare alicui. Les Philosophes se contrarient en toutes choses, souvent ils se contrarient eux-mêmes. Les grands Seigneurs ne veulent point être contrariés. Cet homme contrarie tout, & absolument ne fait que contrarier.

Contrarier, signifie aussi, s’opposer ☞ à quelqu’un dans ses desseins, dans ses volontés. Adversari, obstare, obsistere. Il me contrarie dans tout ce que je veux entreprendre, dans tous mes desseins.

Contrarié, ée. part. On dit sur la mer, être contrarié par le vent ; pour dire, avoir le vent contraire à la route que l’on veut tenir.

CONTRARIÉTÉ, s. f. combat, opposition entre des choses contraires. Repugnantia, discrepantia. Il se dit tant au propre qu’au figuré, de tout ce qui a été dit ci-dessus des choses contraires, des vents, des élémens, des qualités, des loix, des passages, des avis, &c. A moins que la foi n’assujétisse notre raison, nous passons la vie dans une contrariété perpétuelle de sentimens : à croire, & à ne croire point. S. Evr. L’esprit de l’homme, s’étant révolté contre Dieu, ses sens se sont révoltés contre lui ; & de-là viennent ces contrariétés que nous sentons en nous-mêmes, & cette guerre continuelle que nous sommes obligés de soûtenir contre nous-mêmes. Fléch. La contrariété de sentimens fait naître une certaine aigreur, qui engendre de l’aversion, & quelquefois des querelles. Bell. Il n’y a point de sympathie qui ne soit mêlée de quelque contrariété. S. Evr. Où est l’homme si uniforme, qui ne laisse voir de l’inégalité & de la contrariété dans ses actions ? Id.

Contrariété, en termes de Palais, se dit de l’allégation des faits contraires, sur lesquels on donne un appointement de contrariété pour permettre aux parties d’en faire preuve, chacun de son côté.

On appelle aussi contrariété d’arrêts, deux arrêts qui sont rendus en différents tribunaux entre mêmes parties, & sur le même fait, qui ont des dispositions contraires ; & en ce cas-là la connoissance en est attribuée au Grand-Conseil.

☞ Il faut remarquer que, pour que l’on puisse se pourvoir au Grand-Conseil en contrariété d’arrêts ; il faut que ces arrêts soient rendus sur les mêmes demandes.

Contrariété signifie aussi obstacle, difficulté qu’on trouve en la poursuite de quelque chose. ☞ Dans ce sens, il s’emploie plus ordinairement au pluriel. Mora, difficultas, impedimentum. C’est un beau dessein que la réforme de la chicane, mais on a à essuyer bien des contrariétés dans l’exécution. Cette proposition, cette affaire a passée après bien des contradictions.

☞ CONTRASTE. s. m. Ce mot signifie différence, opposition qui se trouve entre certaines choses. On le dit particulièrement en Peinture, en Architecture, &c. Les contrastes se donnent du relief par leur opposition.