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dance. Les Philosophes aiment la liberté, & n’aiment point à vivre dans la dépendance. Les Moines vivent tous dans la dépendance d’un Général. Les hommes cherchent à se donner, & s’assujettissent avec plaisir, si on les laisse choisir leur dépendance. S. Evr. Il est difficile que par lui-même ou par ceux qui sont dans sa dépendance, il ne traverse tout ce que je désire. P. de Cl. Sans le concours immédiat de Dieu dans routes nos actions, l’on détruit l’infinie dépendance dans laquelle les créatures sont à l’égard du Créateur. Jur. La dépendance est insupportable à un homme de cœur, & sur-tout celle de l’esprit. S. Evr. Notre ignorance, & nos doutes nous font sentir notre dépendance. Id. Dieu a voulu accoutumer l’homme à croire sans avoir une connoissance évidente & parfaite de ce qu’il croit, afin de le tenir dans la dépendance & dans la servitude.

L’amour prétend par-tout naître sans dépendance,
Et jamais par la force on n’entra dans un cœur. Mol.

Dépendance, signifie aussi connexité, suite nécessaire. Connexio, cognatio. Toutes les propositions de Géométrie, ont une suite & une dépendance les unes des autres. On a renvoyé ce procès en un autre Parlement avec toutes ses circonstances & dépendances. Le mot de circonstances exprime tout ce qui peut avoir rapport à l’affaire : celui de dépendances, tout ce qui en fait partie, ce qui y est nécessairement lié, ce qui en est une branche.

Dépendance, se dit aussi de ce qui fait partie d’un tout. Appendix, accessio. Ce hameau est de la dépendance de cette Paroisse. Cette métairie est une des dépendances d’une telle terre. La Bresse est des premières dépendances de la Couronne. Patru. Les dépendances d’un fief, sont les terres, prés, bois, qui en composent le domaine, les censives, droit de chasse, de pêche, &c.

☞ DÉPENDANT. ante. adj. Se dit de ce qui a quelque relation à un autre avec infériorité, de ce qui est une suite nécessaire d’une autre chose, de ce qui fait partie d’un tout, des choses qui appartiennent à une autre, comme en étant un accessoire. Voyez Dépendance. Un homme dépendant d’un autre. Une affaire, une question dépendante d’une autre question, &c.

En termes de Marine on dit, venir en dépendant, tomber en dépendant. Navis quæ eodem cum aliâ vento desertur. Un vaisseau vient en dépendant, lorsqu’il est au vent d’un autre vaisseau, & que, pour le reconnoître, il s’en approche peu-à-peu, tenant toujours le vent pour n’être pas coupé, & mis sous le vent. Tomber en dépendant, c’est approcher à petites voiles & faire vent arrière pour arriver. Les vaisseaux ennemis se laissoient tomber en dépendant sur leurs côtes.

DÉPENDRE. v. a. Je dépens, je dépendis, j’ai dépendu, que je dépende. Détacher une chose de l’endroit où elle est pendue. Rem aliquam suspensam demittere. Il faut dépendre ce tableau pour le mettre plus bas. On a dépendu la lampe pour la reblanchir.

DÉPENDUE. ue. part.

☞ DÉPENDRE, v. n. Être sous la domination, sous l’autorité de quelqu’un. Alterius voluntati, arbitrio esse subjectum. Les sujets dépendent des Rois, les enfans de leurs parens, les domestiques de leurs maîtres. La conservation de tous les êtres dépend de la Providence.

☞ Quelquefois ce verbe n’exprime qu’une simple subordination. Les Tribunaux subalternes dépendent des Tribunaux supérieurs. Il y a une subordination entre les hommes, qui les fait dépendre les uns des autres.

☞ En matière de fief, dépendre est synonyme à relever. Un arrière-fief dépends du fief dominant. En matière bénéficiale, on dit qu’un Prieuré, qu’une cure dépendent d’une Abbaye, c’est-à-dire, que la nomination en appartient au Titulaire de l’Abbaye.

Dépendre, se dit aussi des choses connexes, & qui ont une suite nécessaire l’une de l’autre, alors il est synonyme à procéder, provenir & s’ensuivre. Pendere. Les effets dépendent de leurs causes. Ces deux procès dépendent tellement l’un de l’autre, que si j’en gagne un, l’autre est infaillible. La conséquence d’un syllogisme dépend des prémisses. La fortune des gens dépend fort souvent de leur mérite. Ablanc.

☞ On dit en Morale : d’un moment dépend l’éternité.

Madame, mon bonheur ne dépend que de vous. Racine.

☞ Il sembloit que la destinée des Rois dépendît du caprice de leur sujets.

☞ On dit cela dépend de moi, j’ai le pouvoir de le faire ou de ne le pas faire. Hoc arbitrii mei est.

DÊPENDRE. v. a. du Latin dispendere. Vieux mot, qui veut dire la même chose que dépenser. Dêpendre n’est plus en usage. Mén. Bouh. Les cœurs généreux aiment à dépendre.

On dit proverbialement, qui bien gagne, & bien dêpend, n’a pas besoin de bourse pour serrer son argent. On dit aussi c’est un homme qui est à lui à vendre & à dêpendre, pour dire qui lui est absolument dévoué. On trouve despendre & dêpendre, on ne prononce point l’s, dans ce mot quand il y en a.

DÉPENS. s. m. pl. frais ; ce qui a coûté, ce qu’on a dépensé à quelque entreprise, ou à quelque affaire. Sumtus, impensæ. Il a employé beaucoup d’argent à la poursuite de cette affaire. Il aura bien de la peine à tirer ses dépens. On dit proverbialement c’est un homme qui gagne bien ses dépens, pour dire, il rend bien autant de service qu’il coûte à nourrir, & qu’un homme est condamné aux dépens, quand il ne retire pas d’une affaire tout l’argent qu’il y a mis : & d’un homme avancé en âge, que plus de la moitié de ses dépens sont payés.

☞ On dit figurement faire la guerre à ses dépens, faire dans l’exercice d’un emploi, ou dans la poursuite d’une entreprise des frais auxquels on n’est point obligé, & dont on ne sera point remboursé.

☞ Ce mot ne s’emploie guère ailleurs que dans une acception générale, avec la préposition à. S’enrichir aux dépens du public. Vivre aux dépens d’autrui, c’est-à-dire, aux frais & sur le compte d’un autre. Un Ambassadeur d’Espagne voulant engager Alexandre VIII à se déclarer contre la France, lui disoit qu’elle étoit ruinée, & qu’elle ne pourroit plus entretenir ses armées. Je le crois bien répondit le Pape, car elle les fait toutes subsister aux dépens de ses voisins.

Dépens, se dit aussi au figuré. Se justifier aux dépens d’autrui. Aliorum incommodo, detrimento, periculo. Un habile homme se fait sage aux dépens d’autrui en profitant de ses fautes. Faut-il obéir à cette chimère d’honneur aux dépens de ce qu’il y a de plus doux dans la vie ? S. Ev. Au lieu que les Princes n’apprennent qu’aux dépens de leurs sujets, & de leur propre gloire, à juger des affaires dangereuses ; par le secours de l’Histoire ils forment leur jugement sur les événemens passés sans rien hazarder. Boss. Il n’est pas permis de soutenir les dogmes de la Religion aux dépens des vertus qu’elle commande.

Aux dépens du prochain, s’il fait rire les gens,
Le prochain à son tour fait rire à ses dépens. Vill.

Dépens, en termes de pratique, sont les frais qui ont été faits dans les procédures de la poursuite d’un procès qui entrent en taxe, & qui doivent être payés à celui qui a obtenu gain de cause par celui qui a succombé. Ferriere. Impensæ litis,