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VER–VER


parler, ne les pourroit-on pas nommer des verbes neutres régissans ?

Pour connoître si un verbe est actif, il n’y a qu a voir s’il peut être suivi immédiatement d’un nom qui signifie une personne, ou une chose, comme, j’aime Pierre, je bâtis une maison. Il n’en est pas de même des neutres, on ne dit pas : dormir quelqu’un, ni dormir quelque chose. Pour les verbes actifs, on peut faire une question en cette sorte : Quel est l’homme que vous aimez ? Quelle est la chose que vous avez bâtie ? Mais on ne peut pas faire une pareille question pour les verbes neutres, & dire : Quel est l’homme que vous avez dormi ? Mais pour les verbes neutres, qui ont un régime, la question ne se peut faire que par la préposition qui les suit ordinairement : c’est pourquoi, comme subvenir régit la préposition à, ou est toujours suivi de la préposition à, ou de quelque chose qui y réponde, je puis former ainsi la question : A quoi cela peut-il subvenir ? A quelles nécessités prétendez-vous subvenir ? Tout de même on dira, A quoi tâchez-vous ?

Une autre espèce de verbe, sont ceux que M. l’Abbé Dangeau appelle pronominaux, parce qu’ils sont toujours formés des pronoms identiques, me, te, se, &c. Les pronoms identiques sont ceux qui servent à marquer la personne qui est en même temps, & celle qui fait l’action, & celle qui est l’objet de l’action.

M. l’Abbé Dangeau divise les verbes pronominaux en quatre classes, savoir, les identiques, les réciproques, les neutrisés & les passivés. Les identiques sont ceux qui marquent une action dont l’objet est la personne même qui fait l’action, par exemple ; je me blesse, tu te nuis à toi-même, il se noircit, il se deshonore, Pierre s’est tué, on se loue mal-à-propos. Dans toutes ces phrases, il est aisé de voir que celui qui fait l’action, & celui sur qui tombe l’action, sont la même personne.

Les verbes réciproques sont ceux dont le nominatif est pluriel, ou un nom collectif, & signifie des personnes qui agissent réciproquement les unes sur les autres, Ces quatre hommes s’entrebattoient. Pierre & toi vous vous louez l’un l’autre. Mon frère & moi nous nous aimons fort. Ces femmes se disent des injures. Comme il y a plusieurs occasions, où l’on pourroit être en peine si ces verbes ont une signification identique, ou une signification réciproque, il est souvent nécessaire d’ajouter les mots moi-même, toi-même, lui-même, soi-même, pour restreindre la signification de la phrase au sens identique, & d’ajouter les mots l’un l’autre, ou la particule entre, ou l’adverbe réciproquement, pour restreindre la phrase au sens réciproque. Ces deux hommes se louent à tout moment : si c’est se louent eux-mêmes à tout moment, le sens est identique, si c’est se louent l’un l’autre, le sens est réciproque. Ces verbes, tant les identiques que les réciproques, gardent toujours leur nature d’actif, & marquent un sujet qui fait l’action, & un sujet sur qui l’action tombe. Les pronoms me, te, se, qu’on emploie avec ces verbes identiques & réciproques, sont quelquefois employés comme des accusatifs & quelquefois comme des datifs ; ce qu’il est important de remarquer. Tu te blesses toi-même, te est à l’accusatif ; Tu te fais grand tort à toi-même, te est au datif. Tout de même avec un verbe réciproque : Ces deux femmes se louent & s’entrelouent, le pronom se est à l’accusatif. Mais si je dis, ces deux femmes se disent, ou s’entredisent des injures, le pronom se est au datif.

Venons aux verbes neutrisés. Quelquefois les verbes actifs deviennent des neutres ; & quoique de leur nature ils soient actifs, ils viennent par l’usage à n’avoir plus la signification active : par exemple, le mot fâcher est de sa nature un actif, & l’on dit, fâcher quelqu’un ; mais si je dis, cet homme se fâche : je ne marque autre chose que la disposition de son esprit, il n’y a plus d’action qui tombe sur son objet, & le verbe est véritablement neutre. Il en est de même de promener ; Promener un cheval, il est actif : Se promener, il devient neutre ; c’est ce qui fait que M. l’Abbé Dangeau nomme ces sortes de verbes des verbes neutrisés, parce qu’étant de leur nature actifs, ils sont devenus neutres par la manière dont on les emploie. Il est vrai qu’il y a quelques-uns de ces verbes neutrisés, qu’on ne peut employer dans une signification active, comme se repentir, se souvenir ; mais outre que ces sortes de verbes sont fort rares dans la langue Françoise, peut-être, dit M. l’Abbé Dangeau, que si l’on examinoit bien leur origine, on trouveroit qu’ils ont une signification active.

Quelquefois un verbe change de nature, selon les différentes manières dont il est employé : par exemple, le verbe étudier est actif de la nature, on dit étudier une langue, étudier un homme. Il devient identique si je dis, s’étudier soi-même. Il devient neutre, si je dis, s’étudier à bien faire quelque chose. Et si l’on examinoit bien la plupart des verbes qui ont présentement un sens neutre par le moyen du nom personnel, on connoîtroit comment d’actifs, ils sont devenus identiques, & ensuite neutrisés. De même dans les verbes neutres : Il a plu à tout le monde, il s’est plu dans cette maison, ont deux significations différentes.

Les verbes passivés sont ceux qui ne s’emploient que dans les troisièmes personnes ; ce sont des verbes actifs de leur nature, qui par le moyen du pronom se, ont une signification passive : Ce livre se vend chez un tel, signifie la même chose que, ce livre est vendu chez un tel ; Ces nouvelles se débitent en tel lieu, veut dire, sont débitées en tel lieu.

Voilà ce qui regarde les différentes espèces des verbes & leur nature. Il faut considérer maintenant leur variation, c’est ce qu’on appelle communément la conjugaison d’un verbe. Conjugatio, inflexio. M. l’Abbé Dangeau ne suit point la méthode ordinaire qui distingue les mœufs ou modes des verbes, & met ensemble tous les temps & toutes les parties d’un même mœuf. Il prend une autre route. Il distingue dans les variations des verbes, des parties simples, des parties composées & des parties surcomposées. Les parties simples sont celles qui se varient sans le secours d’aucun auxiliaire ; comme j’aime, je louois, je parlerai, &c. Les composées & les surcomposées sont celles qui se varient par le moyen d’un auxiliaire. Les parties composées sont celles qui prennent les parties simples des auxiliaires, ou qui ne prennent l’auxiliaire qu’une fois, ou qui ne prennent qu’un auxiliaire, comme : j’ai chanté, j’aurai chanté, j’eusse chanté, &c. Les parties surcomposées sont celles qui prennent les parties composées d’un auxiliaire, ou qui prennent deux auxiliaires, ou deux fois le même auxiliaire. Par exemple, j’ai été blâmé, j’ai eu fait mon ouvrage, j’aurois eu achevé, &c. Cela supposé, M. l’Abbé Dangeau partage les verbes par sections. Dans une section, il met toutes les parties simples à un verbe ; dans une autre, toutes les parties composées, & dans une autre, les surcomposées. Chaque section est divisée en trois mœufs qui font trois colonnes; la première comprend les parties de l’indicatif, ou simples, ou composées, ou surcomposées; la seconde comprend les parties du subjonctif, & la troisième celles de l’impératif, auxquelles il ajoute au bas de la colonne l’infinitif & les participes. Les deux premières colonnes sont encore divisées par les temps : la première colonne qui est celle de l’indicatif en contient quatre qu’il dispose en cet ordre : Présent, prétérit, futur, imparfait. Il met l’imparfait le dernier, parce qu’il renferme l’idée de deux temps différens, & qu’il regarde l’action comme présente dans un temps qui est passé. La seconde colonne, qui est celle du subjonctif n’a que trois temps, auxquels il ne donne point d’autres noms que ceux de premier, second, troisième temps. Dans la troisième colonne, l’impératif & l’infinitif n’ont qu’un temps. Le participe est quelquefois double, l’un actif, l’autre passif. Cela ne regarde que les sections des parties simples. Dans les sections des parties composées & surcomposées, les quatre temps de l’indicatif sont deux prétérits, un prétérit futur, & le plus que parfait. Le reste, comme dans les sections des parties simples.

Tout cela donne XIX Tables dont chacune contient une section en trois colonnes. En voici l’ordre & la disposition. Première Table. Première section du verbe