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se rendit célèbre en son temps pour ses portraits de femmes, peints sur ivoire ; elle-même avait reproduit ses traits d’après le miroir. Son nom mérite d’être retenu parce qu’il représente à cette époque (Ier siècle av. J.-C.) une forme non méprisable de l’art, la miniature (liber 1[1], cultivée aussi avec succès par un grand personnage, ancien préteur. ancien proconsul de la Narbonnaise, Titidius Labeo 2[2]. Quelques portraits anonymes, dans les dimensions ordinaires, sont venus jusqu’à nous ; bien qu’appartenant à l’art industriel, ils témoignent de l’es-

Fig. 5659. – Portrait (peinture de Pompéi).


d’observation que les Roumains, ou les artistes qu’ils employaient, savaient porter dans ce genre difficile (fig. 3659) 3[3].

Mais c’est surtout dans la peinture décorative que les Romains ont excellé. Déjà vers la fin du IIe siècle av. J.-C. Sérapion avait introduit chez eux le décor de théâtre 4[4]. Plus tard, au temps d’Auguste, Ludius inaugure la décoration murale dont les maisons de Pompéi nous ont conservé de si précieux spécimens. C’est lui qui imagine de couvrir les murs des habitations privées de villas, de portiques, de paysages, de marines, de scènes retraçant les travaux des champs 5[5]. De fausses perspectives sont ménagées, des fenêtres feintes, par lesquelles on aperçoit la campagne ou la mer, ou des rues de ville, des enchevêtrements d’édifices comme ceux que présentent certaines parois de la maison de Livie au Palatin (domus, fig. 2317). Des scènes de genre ou des tableaux mythologiques sont insérés dans ces enluminures. Pour la mythologie, on a recours à la Grèce : on reproduit les combats livrés sous les murs de Troie ou les voyages d’Ulysse 6[6] ; on s’inspire des légendes mises à la scène par les poètes tragiques ou traitées en tableau par les grands peintres grecs (fig. 2355, 4879). Même les sujets romains, comme l’admirable composition des Noces Aldobrandines, trahissent l’influence de l’art grec 7[7]. Enfin les procédés sont grecs, témoin les beaux dessins de la Farnésine, à Rome, tracés en bistre, en rouge ou en noir


sur fond blanc, et qui rappellent de si près les lécythes blancs d’Athènes 8[8].

Mais Rome elle-même sous l’Empire, au temps de son plus grand luxe, n’est pas le lieu où la peinture est le plus intéressante à étudier pour nous, d’abord faute de documents, ensuite parce que toute la peinture qu’elle renferme, ou peu s’en faut, y est venue de Grèce, par la conquête ou par la folie des collectionneurs. Si nous voulons nous rendre compte, par des exemplaires nombreux et variés, de ce que fut la peinture dans l’Italie antique, c’est surtout à l’Italie méridionale qu’il faut nous adresser. Là, deux sortes d’art s’offrent à nous : un art italiote d’inspiration et de sujets, mais absolument grec de procédés, et grec de l’époque la plus pure, présentant les caractères de la grande peinture grecque décorative du Ve siècle : absence de modelé, teintes plates, tons francs et peu nombreux (bleu, rouge, jaune, noir, blanc, avec une teinte rosée sur les chairs). Les monuments de cet art sont malheureusement en très petit nombre : il faut citer principalement les peintures funéraires de Paestum 9[9], les danses funèbres découvertes à Ruvo, dont le Musée de Naples possède quelques fragments très détériorés 10[10], enfin toute une frise de guerriers et de cavaliers d’époque plus basse, provenant également de Paestum : nous en donnons un spécimen (fig. 3660) 11[11]. L’autre peinture dont nous voulons parler est la peinture pompéienne, celle que nous ont révélée les ruines d’Herculanum et de Pompéi, ainsi que les restes d’habitations privées plus récemment découverts, comme ceux qui ont été mis au jour dans ces dernières années à Boscoreale 12[12]. C’est de l’art hellénistique, qui reflète, sans aucun doute, la peinture de la période alexandrine ; c’est encore, par conséquent, de l’art grec, approprié aux mœurs romaines ou gréco-romaines de la Campanie.

Les peintures de Pompéi ont été l’objet de travaux nombreux et considérables. Ce qui en fait l’unité, c’est leur destination : toutes ont pour but d’embellir des édifices ; le rôle que jouent dans nos intérieurs le papier peint ou les étoffes tendues, la peinture le jouait dans les maisons de Pompéi. Cette décoration a eu son histoire, dont il faut très brièvement rappeler les phases principales. Une étude attentive des peintures pompéiennes y a fait reconnaître différents styles. Le plus ancien est le style à incrustation, dont le principe est la reproduction, à l’aide de la couleur. d’une polychromie naturelle qui serait formée par le rapprochement de divers marbres. Une pareille polychromie était pratiquée en Égypte, dans cette riche Alexandrie où affluaient les marbres de toutes les parties du monde. Elle aurait été, d’après Pline, introduite à Rome pour la première fois par un favori de César, Mamurra 13[13]. Un procédé économique consista, dans les maisons de Pompéi, à substituer au marbre, matière coûteuse, des surfaces stuquées, sur lesquelles on imitait ces mosaïques multicolores.

De semblables mosaïques se rencontrent dans une centaine de maisons appartenant au IIe ou au Ier siècle avant notre ère. Mais en même temps ce mode de décoration comportait des éléments architectoniques, colonnes engagées

  1. 1. Plin. Hist. nat. XXXV, 147-148.
  2. 2. Ibid. 20.
  3. 3. Portraits d’un boulanger et de sa femme (Pompéi), d’après P. Girard, Peint. ant. fig. 201.
  4. 4. Plin. Hist. nat. XXXV, 113.
  5. 5. Ibid. 116-117.
  6. 6. Vitruv, VII, 5 ; cf. Waltmann, Gesch. der Malerei, I, 113.
  7. 7. Bellori, Picturae antiq. 1750, pl. XVIII ; Böttiger, Aldobrandin. Hochzeit. 1810 ; Baumeister, Denkmäler, fig. 946.
  8. 8 Gaz. arch. 1883, pl. XV.et XVI.
  9. 9. Gaz. arch. 1883, pl. XLVI-XLVIII.
  10. 10 Raoul Rochette, Peint. Ant. inéd. pl. XV.
  11. 11 P. Girard, Peint. ant. fig. 193 ; cf. Monum. VIII, pl, xxi.
  12. 12 Barnabei, La villa Pompeiana di P. Fannio Sinistore (Rome, 1901) ; B. Odescalchi, Le Pitture di Bosco Reale (Nuova Antol. 16 mars 1901) ; A. Sambon, Les fresques de Boscoreale (Paris et Naples, 1903).
  13. 13 Plin. Hist. nat. XXXVI, 48.