Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/212

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musulman, que de n’être point né aveugle ou boiteux. C’est un bonheur, et non pas un mérite.

XXXVIII.

Celui qui mourrait pour un culte dont il connaîtrait la fausseté, serait un enragé.

Celui qui meurt pour un culte faux, mais qu’il croit vrai, ou pour un culte vrai, mais dont il n’a pas de preuves, est un fanatique.

Le vrai martyr est celui qui meurt pour un culte vrai, et dont la vérité lui est démontrée.

XXXIX.

Le vrai martyr attend la mort ; l’enthousiaste y court.

XL.

Celui qui, se trouvant à la Mecque, irait insulter aux cendres de Mahomet, renverser ses autels, et troubler toute une mosquée, se ferait empaler, à coup sûr, et ne serait peut-être pas canonisé. Ce zélé n’est plus à la mode. Polyeucte ne serait de nos jours qu’un insensé.

XLI.

Le temps des révélations, des prodiges, et des missions extraordinaires est passé. Le christianisme n’a plus besoin de cet échafaudage. Un homme qui s’aviserait de jouer parmi nous le rôle de Jonas, de courir les rues en criant : « Encore trois jours, et Paris ne sera plus : Parisiens, faites pénitence, couvrez-vous de sacs et de cendres, ou dans trois jours vous périrez, » serait incontinent saisi, et traîné devant un juge, qui ne manquerait pas de l’envoyer aux Petites-Maisons. Il aurait beau dire : « Peuples, Dieu vous aime-t-il moins que le Ninivite ? Êtes-vous moins coupables que lui ? » On ne s’amuserait point à lui répondre ; et pour le traiter en visionnaire, on n’attendrait pas le terme de sa prédiction.

Élie peut revenir de l’autre monde quand il voudra ; les hommes sont tels, qu’il fera de grands miracles s’il est bien accueilli dans celui-ci.