Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/225

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juif se liguer contre le chrétien ; le chrétien, le juif, le déiste et l’athée, se mettre aux prises avec le musulman ; l’athée, le déiste, le juif, le musulman, et la multitude des sectes du christianisme, fondre sur le chrétien, et le sceptique seul contre tous. J’étais juge des coups : je tenais la balance entre les combattants ; ses bras s’élevaient ou s’abaissaient en raison des poids dont ils étaient chargés. Après de longues oscillations, elle pencha du côté du chrétien, mais avec le seul excès de sa pesanteur, sur la résistance du côté opposé. Je me suis témoin à moi-même de mon équité. Il n’a pas tenu à moi que cet excès ne m’ait paru fort grand. J’atteste Dieu de ma sincérité.

LXII.

Cette diversité d’opinions a fait imaginer aux déistes un raisonnement plus singulier peut-être que solide. Cicéron ayant à prouver que les Romains étaient les peuples les plus belliqueux de la terre, tire adroitement cet aveu de la bouche de leurs rivaux. Gaulois, à qui le cédez-vous en courage, si vous le cédez à quelqu’un ? aux Romains. Parthes, après vous, quels sont les hommes les plus courageux ? les Romains. Africains, qui redouteriez-vous, si vous aviez à redouter quelqu’un ? les Romains. Interrogeons, à son exemple, le reste des religionnaires, vous disent les déistes. Chinois, quelle religion serait la meilleure, si ce n’était la vôtre ? la religion naturelle. Musulmans, quel culte embrasseriez-vous, si vous abjuriez Mahomet ? le naturalisme. Chrétiens, quelle est la vraie religion, si ce n’est la chrétienne ? la religion des juifs. Mais vous, juifs, quelle est la vraie religion, si le judaïsme est faux ? le naturalisme. Or, ceux, continue Cicéron, à qui l’on accorde la seconde place d’un consentement unanime, et qui ne cèdent la première à personne, méritent incontestablement celle-ci.