Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/332

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en vain que la connaissance des vérités et des devoirs m’est donnée, si la grâce de croire et de pratiquer m’est refusée.

Donc, j’ai toujours eu tous ces avantages. Donc la religion naturelle n’avait rien laissé à la révélation d’essentiel et de nécessaire à suppléer ; donc, cette religion n’était point insuffisante.


II.


Si la religion naturelle eût été insuffisante, c’eût été ou en elle-même, ou relativement à la condition de l’homme.

Or, on ne peut dire ni l’un ni l’autre. Son insuffisance en elle-même serait la faute de Dieu. Son insuffisance relative à la condition de l’homme supposerait que Dieu eût pu rendre la religion naturelle suffisante, et par conséquent la religion révélée, superflue, en changeant la condition de l’homme ; ce que la religion révélée ne permet pas de dire.

D’ailleurs, une religion insuffisante relativement à la condition de l’homme serait insuffisante en elle-même ; car la religion est faite pour l’homme ; et toute religion qui ne mettrait pas l’homme en état de payer à Dieu ce que Dieu est en droit d’en exiger, serait défectueuse en elle-même.

Et qu’on ne dise pas que Dieu ne devant rien à l’homme, il a pu sans injustice lui donner ce qu’il voulait ; car remarquez qu’alors le don de Dieu serait sans but et sans fruit ; deux défauts que nous ne pardonnerions pas à l’homme, et que nous ne devons point reprocher à Dieu. Sans but ; car Dieu ne pourrait se proposer d’obtenir de nous par ce moyen ce que ce moyen ne peut produire par lui-même. Sans fruit ; puisqu’on soutient que le moyen est insuffisant pour produire aucun fruit qui soit légitime.


III.


La religion naturelle était suffisante, si Dieu ne pouvait exiger de moi plus que cette loi ne me prescrivait ; or Dieu ne pouvait exiger de moi plus que cette loi ne me prescrivait, puisque cette loi était sienne, et qu’il ne tenait qu’à lui de la charger plus ou moins de préceptes.

La religion naturelle suffisait autant à ceux qui vivaient sous cette loi, pour être sauvés, que la loi de Moïse aux Juifs,