Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/333

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et la loi chrétienne aux chrétiens. C’est la loi qui forme nos obligations, et nous ne pouvons être obligés au-delà de ses commandements.

Donc, quand la loi naturelle eût pu être perfectionnée, elle était tout aussi suffisante pour les premiers hommes, que la même loi perfectionnée, pour leurs descendants.


IV.


Mais, si la loi naturelle a pu être perfectionnée par la loi de Moïse et celle-ci par la loi chrétienne, pourquoi la loi chrétienne ne pourrait-elle pas l’être par une autre qu’il n’a pas encore plu à Dieu de manifester aux hommes ?


V.


Si la loi naturelle a été perfectionnée, c’est ou par des vérités qui nous ont été révélées, ou par des vertus que les hommes ignoraient. Or, on ne peut dire ni l’un ni l’autre. La loi révélée ne contient aucun précepte de morale que je ne trouve recommandé et pratiqué sous la loi de nature ; donc elle ne nous a rien appris de nouveau sur la morale. La loi révélée ne nous a apporté aucune vérité nouvelle ; car, qu’est-ce qu’une vérité, sinon une proposition relative à un objet, conçue dans des termes qui me présentent des idées claires et dont je conçois la liaison ? Or, la religion révélée ne nous a apporté aucune de ces propositions. Ce qu’elle a ajouté à la loi naturelle consiste en cinq ou six propositions qui ne sont pas plus intelligibles pour moi que si elles étaient exprimées en ancien carthaginois ; puisque les idées représentées par les termes et la liaison de ces idées entre elles, m’échappent entièrement.

Les idées représentées par les termes, et leur liaison m’échappent ; car, sans ces deux conditions, les propositions révélées, ou cesseraient d’être des mystères, ou seraient évidemment absurdes. Soit par exemple cette proposition révélée : les enfants d’Adam ont tous été coupables, en naissant, de la faute de ce premier père. Une preuve que les idées attachées aux termes et leur liaison m’échappent dans cette proposition, c’est que si je substitue au nom d’Adam, celui de Pierre ou de Paul, et que je dise, les enfants de Paul ont tous été coupables,