Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/340

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et de difficultés. Si l’on demande au naturaliste : Pourquoi l’homme souffre-t-il dans ce monde ? il répondra, je n’en sais rien. Si l’on fait au chrétien la même question, il répondra par une énigme ou par une absurdité. Lequel des deux vaut mieux de l’ignorance ou du mystère ? ou plutôt la réponse des deux n’est-elle pas la même ? Pourquoi l’homme souffre-t-il en ce monde ? C’est un mystère, dit le chrétien. C’est un mystère, dit le naturaliste. Car remarquez que la réponse du chrétien se résout enfin à cela. S’il dit : l’homme souffre, parce que son aïeul a péché, et que vous insistiez : et pourquoi le neveu répond-il de la sottise de son aïeul ? il dit, c’est un mystère ; eh ! répliquerais-je au chrétien, que ne disiez-vous d’abord comme moi : si l’homme souffre en ce monde, sans qu’il paraisse l’avoir mérité, c’est un mystère ? Ne voyez-vous pas que vous expliquez ce phénomène comme les Chinois expliquaient la suspension du monde dans les airs ? Chinois, qu’est-ce qui soutient le monde ? Un gros éléphant. Et l’éléphant, qui le soutient ? Une tortue. Et la tortue ? Je n’en sais rien. Eh § mon ami, laisse là l’éléphant et la tortue et confesse d’abord ton ignorance.


XXIII.


Cette religion est préférable à toutes les autres, qui ne peut faire que du bien et jamais de mal. Or, telle est la loi naturelle gravée dans le cœur de tous les hommes. Ils trouveront tous en eux-mêmes des dispositions à l’admettre, au lieu que les autres religions, fondées sur des principes étrangers à l’homme et, par conséquent, nécessairement obscurs pour la plupart d’entre eux, ne peuvent manquer d’exciter des dissensions. D’ailleurs il faut admettre ce que l’expérience confirme. Or, il est d’expérience que les religions prétendues révélées ont causé mille malheurs, armé les hommes les uns contre les autres, et teint toutes les contrées de sang. Or la religion naturelle n’a pas coûté une larme au genre humain.


XXIV.


Il faut rejeter un système qui répand des doutes sur la bienveillance universelle, et l’égalité constante de Dieu. Or le système qui traite la religion naturelle d’insuffisante, jette des