Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/373

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est quelquefois de la dernière difficulté de les obtenir, et qu’en vain un physicien serait très heureux à imaginer les hypothèses les plus conformes à la nature, s’il ne savait les faire valoir par la géométrie : aussi les plus grands physiciens, Galilée, Descartes, Newton, ont-ils été grands géomètres. 2° Que ces résultats sont plus ou moins certains, selon que les hypothèses dont on est parti sont plus ou moins compliquées. Lorsque le calcul est fondé sur une hypothèse simple, alors les conclusions acquièrent la force de démonstrations géométriques. Lorsqu’il y a un grand nombre de suppositions, l’apparence que chaque hypothèse soit vraie diminue en raison du nombre des hypothèses, mais augmente d’un autre côté par le peu de vraisemblance que tant d’hypothèses fausses se puissent corriger exactement l’une l’autre, et qu’on en obtienne un résultat confirmé par les phénomènes. Il en serait en ce cas comme d’une addition dont le résultat serait exact, quoique les sommes partielles des nombres ajoutés eussent toutes été prises faussement. On ne peut disconvenir qu’une telle opération ne soit possible mais vous voyez en même temps qu’elle doit être fort rare. Plus il y aura de nombres à ajouter, plus il y aura d’apparence que l’on se sera trompé dans l’addition de chacun mais aussi, moins cette apparence sera grande, si le résultat de l’opération est juste. Il y a donc un nombre d’hypothèses tel que la certitude qui en résulterait serait la plus petite qu’il est possible. Si je fais A, plus B, plus C, égaux à 50, conclurai-je de ce que 50 est en effet la quantité du phénomène, que les suppositions représentées par les lettres A, B, C, sont vraies ? Nullement  ; car il y a une infinité de manières d’ôter à l’une de ces lettres et d’ajouter aux deux autres, d’après lesquelles je trouverai toujours 50 pour résultat ; mais le cas de trois hypothèses combinées est peut-être un des plus défavorables.

Un avantage du calcul que je ne dois pas omettre, c’est d’exclure les hypothèses fausses, par la contrariété qui se trouve entre le résultat et le phénomène. Si un physicien se propose de trouver la courbe que suit un rayon de lumière en traversant l’atmosphère, il est obligé de rendre son parti sur la densité des couches de l’air, sur la loi de la réfraction, sur la nature et la figure des corpuscules lumineux, et peut-être sur