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ADDITION
À LA LETTRE PRÉCÉDENTE[1]


Je vais jeter sans ordre, sur le papier, des phénomènes qui ne m’étaient pas connus, et qui serviront de preuves ou de réfutations à quelques paragraphes de ma Lettre sur les aveugles. Il y a trente-trois à trente-quatre ans que je l’écrivais ; je l’ai relue sans partialité, et je n’en suis pas trop mécontent. Quoique la première partie m’en ait paru plus intéressante que la seconde, et que j’aie senti que celle-là pouvait être un peu plus étendue et celle-ci beaucoup plus courte, je les laisserai l’une et l’autre telles que je les ai faites, de peur que la page du jeune homme n’en devînt pas meilleure par la retouche du vieillard. Ce qu’il y a de supportable dans les idées et dans l’expression, je crois que je le chercherais inutilement aujourd’hui, et je crains d’être également incapable de corriger ce qu’il y a de répréhensible. Un peintre célèbre de nos jours emploie les dernières années de sa vie à gâter les chefs-d’œuvre qu’il a produits dans la vigueur de son âge. Je ne sais si les défauts qu’il y remarque sont réels ; mais le talent qui les rectifierait, ou il ne l’eut jamais s’il porta les imitations de la nature jusqu’aux dernières limites de l’art, ou, s’il le posséda, il le perdit, parce que tout ce qui est de l’homme périt avec l’homme.

  1. « Nous avons fait suivre la Lettre sur les aveugles de l’addition que Diderot composa longtemps après et qui n’y avait pas encore été jointe… Ceux qui accusent cet écrivain de n’avoir jamais écrit que par fougue ou d’être toujours dur et tranchant n’ont sûrement pas lu tous ses ouvrages. Cette addition seule suffirait pour les détromper. » (Depping, B.)