Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/449

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se sépare d’avec l’article le ; ce qui rend le monosyllabe de Virgile plus isolé que le mien : et la chute de son bos, plus complète et plus lourde que celle de mon vers.

Une réflexion qui ne serait guère plus déplacée ici que la harangue de l’empereur du Mexique dans le chapitre des coches de Montaigne (Essais, liv. III, ch. vi), c’est qu’on avait une étrange vénération pour les Anciens, et une grande frayeur de Despréaux, lorsqu’on s’avisa de demander s’il fallait ou non entendre les trois vers suivants d’Homère,

Ζεῦ πάτερ, ἀλλὰ σὺ ῥῦσαι ὑπ᾽ ἠέρος υἷας Ἀχαιῶν·
ποίησον δ᾽ αἴθρην, δὸς δ᾽ ὀφθαλμοῖσιν ἰδέσθαι·
ἐν δὲ φάει καὶ ὄλεσσον, ἐπεί νύ τοι εὔαδεν οὕτως.

Iliad., cant. xvii, vers 645
comme Longin les a entendus[1], et comme Boileau et La Motte les ont traduits.

Grand Dieu ! chasse la nuit qui nous couvre les yeux,
Et combats contre nous à la clarté des cieux.

Boileau, traduction du Traité du Sublime, ch. vii.

Voilà, s’écrie Boileau, avec le rhéteur Longin, les véritables sentiments d’un guerrier. Il ne demande pas la vie : un héros n’était pas capable de cette bassesse ; mais comme il ne voit point d’occasion de signaler son courage au milieu de l’obscurité, il se fâche de ne point combattre ; il demande donc en hâte que le jour paraisse pour faire au moins une fin digne de son grand cœur, quand il devrait avoir à combattre Jupiter même.

Grand Dieu, rends-nous le jour, et combats contre nous.

La Motte, traduction de l’Iliade.

Eh ! messieurs, répondrai-je à Longin et à Boileau, il ne s’agit point des sentiments que doit avoir un guerrier, ni du

  1. Traité du Sublime, sect. ix. — Voici la version latine de ces vers, telle qu’on la trouve dans les éditions ordinaires d’Homère :

    Jupiter pater, sed tu libera a caligine filios Achivorum :
    Facque serenitatem, daque oculis videre ;
    In luce vero vol perde, quandoquidom tibi placuit ita.
    — (Bn.)