Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/453

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forte de ce que je viens d’avancer sur la difilculié de la lecture des poëtes.

On n’aperçoit rien, ce me semble, dans les vers précédents, qui ne caractérise l’abattement et le chagrin.

Il suivait, tout pensif, le chemin de Mycènes ;
Sa main sur les chevaux laissait flotter les rênes.

Les chevaux est bien mieux que ses chevaux, mais combien l’image de ce qu’étaient ces superbes coursiers n’ajoute-t-elle pas à l’image de ce qu’ils sont devenus ? La nutation de tête d’un cheval qui chemine attristé, n’est-elle pas imitée dans une certaine nutation syllabique du vers.

L’œil morne maintenant et la tête baissée.

Mais voyez comme le poëte ramène les circonstances à son héros…

Ses superbes coursiers, etc. . . .
Semblaient se conformer à sa triste pensée.

Le semblaient me paraît trop sage pour un poëte ; car il est constant que les animaux qui s’attachent à l’homme sont sensibles aux marques extérieures de sa joie et de sa tristesse : l’éléphant s’afflige de la mort de son conducteur ; le chien mêle ses cris à ceux de son maître, et le cheval s’attriste, si celui qui le guide est chagrin.

La description de Racine est donc fondée dans la nature ; elle est noble ; c’est un tableau poétique qu’un peintre imiterait avec succès. La poésie, la peinture, le bon goût et la vérité concourent donc à venger Racine de la critique de M. l’abbé de Bernis.

Mais si l’on nous faisait remarquer à Louis-le-Grand toutes les beautés de cet endroit de la tragédie de Racine, on ne manquait pas de nous avertir en même temps qu’elles étaient déplacées dans la bouche de Théramène, et que Thésée aurait eu raison de l’arrêter et de lui dire : Eh ! laissez là le char et les chevaux de mon fils ; et parlez-moi de lui. Ce n’est pas ainsi, nous ajoutait le célèbre Porée, qu’An tiloque annonce à Achille la mort de Patrocle. Antiloque s’approche du héros, les larmes