Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/556

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Tout moyen qui réveille les passions et qui tient à des vues intéressées est impie.

Tout moyen qui relâche les liens naturels et éloigne les pères des enfants, les frères des frères et les sœurs des sœurs, est impie.

Tout moyen qui tendrait à soulever les hommes, à armer les nations et à tremper la terre de sang, est impie.

Il est impie de vouloir imposer des lois à la conscience, règle universelle des actions. Il faut l’éclairer et non la contraindre.

Les hommes qui se trompent de bonne foi sont à plaindre, jamais à punir.

Il ne faut tourmenter ni les hommes de bonne foi ni les hommes de mauvaise foi, mais en abandonner le jugement à Dieu.

Si l’on rompt le lien avec celui qu’on appelle impie, on rompra le lien avec celui qu’on appelle vicieux. On conseillera cette rupture aux autres, et trois ou quatre saints personnages suffiront pour déchirer la société.

Si l’on peut arracher un cheveu à celui qui pense autrement que nous, on pourra disposer de sa tête, parce qu’il n’y a point de limites à l’injustice. Ce sera ou l’intérêt, ou le fanatisme, ou le moment, ou la circonstance qui décidera du plus ou du moins.

Si un prince infidèle demandait aux missionnaires d’une religion intolérante comment elle en use avec ceux qui n’y croient point, il faudrait ou qu’ils avouassent une chose odieuse, ou qu’ils mentissent, ou qu’ils gardassent un honteux silence.

Qu’est-ce que le Christ a recommandé à ses disciples, en les envoyant chez les nations ? Est-ce de mourir ou de tuer, est-ce de persécuter ou de souffrir ?

Saint Paul écrivait aux Thessaloniciens : « Si quelqu’un vient vous annoncer un autre Christ, vous proposer un autre esprit, vous prêcher un autre évangile, vous le souffrirez. » Est-ce là ce que vous faites avec celui qui n’annonce rien, ne propose rien, ne prêche rien ?

Il écrivait encore : « Ne traitez point en ennemi celui qui n’a pas les mêmes sentiments que vous ; mais avertissez-le en frère. » Est-ce là ce que vous faites avec moi ?