Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/559

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quelque chose de Dieu. Que ceux-là vous maltraitent, qui ne sont point tombés dans l’erreur. »

Saint Hilaire : « Vous vous servez de la contrainte, dans une cause où il ne faut que la raison. Vous employez la force où il ne faut que la lumière. »

Les constitutions du pape saint Clément : « Le Sauveur a laissé aux hommes l’usage de leur libre arbitre, ne les punissant pas d’une mort temporelle, mais les assignant en l’autre monde pour y rendre compte de leurs actions. »

Les Pères d’un concile de Tolède : « Ne faites à personne aucune sorte de violence pour l’amener à la foi ; car Dieu fait miséricorde à qui il veut, et il endurcit qui il lui plaît. »

On remplirait des volumes de ces citations oubliées.

Saint Martin se repentit toute sa vie d’avoir communiqué avec des persécuteurs d’hérétiques.

Les hommes sages ont tous désapprouvé la violence que l’empereur Justinien fit aux Samaritains.

Les écrivains qui ont conseillé les lois pénales contre l’incrédulité ont été détestés.

Dans ces derniers temps, l’apologiste de la révocation de l’édit de Nantes[1] a passé pour un homme de sang, avec lequel il ne fallait pas partager le même toit.

Quelle est la voix de l’humanité ? Est-ce celle du persécuteur qui frappe, ou celle du persécuté qui se plaint ?

Si un prince infidèle a un droit incontestable à l’obéissance de son sujet, un sujet mécroyant a un droit incontestable à la protection de son prince : c’est une obligation réciproque.

Si l’autorité sévit contre un particulier dont la conduite obscure ne signifie rien, que le fanatisme n’entreprendra-t-il pas contre un souverain dont l’exemple est si puissant ?

  1. L’abbé de Caveirac, auteur de l’Apologie de Louis XIV et de son Conseil sur la révocation de l’édit de Nantes pour servir de réponse à la « Lettre d’un patriote (Antoine Court), sur la tolérance civile des protestants de France » avec une dissertation sur la journée de la Saint-Barthélémy, s. I. 1758, in-8o. Cet abbé fut condamné, en 1764, au carcan et au bannissement perpétuel pour avoir pris la défense des jésuites, dans un nouvel ouvrage intitulé : Appel à la raison des écrits publiés contre les jésuites de France, Bruxelles (Paris), 1762. 2 vol. in-12. Il disputa avec Rousseau sur la musique.