Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/83

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n’a pas laissée sans récompense, s’il est vrai, comme on le prouvera dans la suite, que l’intégrité morale fait notre bonheur en ce monde. Mais qu’est-ce que l’intégrité ?

II. L’homme est intègre ou vertueux, lorsque, sans aucun motif bas et servile, tel que l’espoir d’une récompense ou la crainte d’un châtiment, il contraint toutes ses passions à conspirer au bien général de son espèce : effort héroïque, et qui toutefois n’est jamais contraire à ses intérêts particuliers. Honestum id intelligimus, quod tale est, ut, detracta omni utilitate, sine ullis præmiis fructibusve, per seipsum possit jure laudari. Quod, quale sit, non tam definitione qua sum usus, intelligi potest, quanquam aliquantum potest, quam communi omnium judicio et optimi cujusque studiis atque factis, qui per multa ob eam unam causam faciunt, quia decet, quia rectum, quia honestum est, etsi nullum consecuturum emolumentum vident (Cicero, de Oratore). Mais ne pourrait-on pas inférer de cette définition, que l’espoir des biens futurs et l’effroi des peines éternelles anéantissent le mérite et la vertu ? C’est une objection à laquelle on trouvera des réponses dans la section troisième du premier livre. C’est là que, sans donner dans les visions du quiétisme, ou faire de la dévotion un trafic, on relève tous les avantages d’un culte qui préconise cette croyance.

III. Après avoir déterminé en quoi consistait la vertu (entendez partout vertu morale), nous prouverons, avec une précision vraiment géométrique, que, de tous les systèmes concernant la Divinité, le théisme est le seul qui lui soit favorable. « Le théisme ! dira-t-on ; quel blasphème ! Quoi ! ces ennemis de toute révélation seraient les seuls qui pussent être bons et vertueux ? » À Dieu ne plaise que je me rende jamais l’écho d’une pareille doctrine ; aussi n’est-ce point celle de M… S…, qui a soigneusement prévenu la confusion qu’on pourrait faire des termes de déiste et de théiste. Le déiste, dit-il, est celui qui croit en Dieu, mais qui nie toute révélation : le théiste, au contraire, est celui qui est près d’admettre la révélation, et qui admet déjà l’existence d’un Dieu. Mais en anglais, le mot de theist désigne indistinctement déiste et théiste. Confusion odieuse contre laquelle se récrie M… S…, qui n’a pu supporter qu’on prostituât à une troupe d’impies le nom de théistes, le plus auguste de tous les noms. Il s’est efforcé d’effacer les idées injurieuses qui y sont attachées