Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/332

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des goîtres, où l’on appelle les cous sans goître cous de grue ; et voilà comme on juge des cous quand on boit de mauvaise eau.

C’est qu’il est bien difficile de faire de la bonne métaphysique et de la bonne morale sans être anatomiste, naturaliste, physiologiste et médecin.

Page 137. — Les pères les plus spirituels n’engendrent souvent que de sots enfants.

Il m’en est venu une raison assez singulière que je donne pour ce qu’elle vaut : c’est qu’il en est des ressemblances de l’esprit comme de celles du corps, qui ont des sauts. Le trisaïeul de cet homme spirituel était peut-être un homme de génie.

Ensuite je dirai à l’auteur : Ces sots enfants, issus de parents qui ont de l’esprit, sont cependant bien organisés. N’assurez donc pas qu’ils ont été engendrés sots, mais soutenez fort et ferme qu’ils auraient eu autant d’esprit que leur père, s’ils avaient reçu la même éducation, et que les soins qu’on aurait pris de les élever eussent été secondés des mêmes hasards. Vous avez parlé dans cet endroit selon la vérité, mais non pas tout à fait selon votre système, comme il arrivera toujours, d’inadvertance, à ceux qui soutiendront des paradoxes. Pour les surprendre en contradiction, il n’y a qu’à les laisser dire.

Ibid. — Il est des hommes de génie de toute taille, de toutes sortes de conformation.

Croyez-vous qu’il y en ait beaucoup à tête en pain de sucre, à tête aplatie, à crâne étroit, au regard éteint ? Les yeux gros et bêtes ne tiennent-ils pas ordinairement ce qu’ils promettent ? Et les bouches béantes, et les mâchoires pendantes, etc. ?

Un homme d’esprit a quelquefois l’air d’une bête ; mais il est bien plus rare qu’une bête ait l’air d’un homme d’esprit ; et lorsqu’on se trompe, c’est que l’homme bête est bien plus bête qu’on ne le croyait.

D’où je conclus que toutes ces assertions sont hasardées, et que pour les accuser d’erreur ou les admettre comme des vérités, nous avons besoin d’observations très-fines qui n’ont jamais été faites, et qui ne se feront peut-être jamais. Quel est l’anatomiste qui se soit avisé de comparer l’intérieur de la tête d’un stupide à l’intérieur de la tête d’un homme d’esprit ? Les têtes n’ont-elles pas aussi leurs physionomies en dedans ? et ces