Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/364

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rez que c’est le hasard qui conduisit Newton de la chute d’une poire au mouvement de la lune, et du mouvement de la lune au système de l’univers ; vous verrez que le hasard en aurait conduit un autre à la même découverte. Newton n’en pensait pas ainsi ; quand on lui demandait comment il y était arrivé, il répondait : À force de méditer… Et vous verrez que la méditation d’un autre aurait eu le même résultat ; et quand elle aurait produit le même résultat, vous verrez que tout homme eût été capable de méditer aussi profondément.

Ibid. — Il faut plus d’attention pour suivre la démonstration d’une vérité déjà connue que pour en découvrir une nouvelle.

Cela peut être vrai, cela peut être faux. Communément, un bon écolier entend en deux ou trois heures de réflexion ce qui en a coûté deux ou trois mois à l’inventeur épuisé de tentatives inutiles.

Mais quand il en serait toujours ainsi, que s’ensuivrait-il ? Que l’esprit d’invention est aussi grand dans l’auteur que dans son lecteur. Pense-t-il sérieusement qu’il soit aussi facile de suivre une page de son livre que d’en écrire une pareille ? lui qui passait une, deux, trois matinées à décomposer un mot et à arriver à un résultat de quatre lignes, d’autant plus claires qu’il avait employé plus de temps et de sagacité à les éclaircir.

Page 199. — Quelle misérable comparaison que celle des petites ruses d’une jeune fille, et des méditations d’un Archimède et d’un Galilée[1] ! On peut se payer soi-même cette monnaie-là, mais les autres ne s’en contentent pas.

Au reste, monsieur Helvétius, n’allez pas imaginer que j’accorde tout ce que je ne contredis pas.


NOTES.


Page 200. — Ils ne sont pas mélancoliques, parce qu’ils méditent.

Mais ils sont plus enclins que les autres à la méditation, parce qu’ils sont atteints de mélancolie.

  1. « Les passions peuvent tout. Il n’est point de fille idiote que l’amour ne rende spirituelle. » De l’Homme.